D'abord, j'ai beaucoup hésité sur le titre de ma critique... Et c'est ma discussion avec ma copine Lise à la sortie du cinéma, alors que je poussais mon vélo le long des quais. Avant même de critiquer le film, les scènes, l'image, l'émotion, nous étions trop immergée dans l'histoire et ce qui nous obsédait c'était :"Et à sa place, tu aurais fait quoi?" Coincée chez toi, entre quatre mur, avec un magnétophone et un bâton de fusain,.. Parce qu'après tout ce beau film d'animation était une façon pour nous de questionner notre rapport à la liberté, de discuter, de parler, de s'habiller, puis aux perspectives qu'elle nous offrait, cette vie devant nous.
Zunaira, la jeune femme à laquelle nous nous sommes toutes deux identifiées, n'est pourtant pas le point d'entrée dans l'histoire. On rencontre avant elle son mari, sur une place de village, lors d'une lapidation. Cette scène de furie collective nous emporte dans un tourbillon de questionnements. Pour moi la portée politique et symbolique était très forte. Et les images servent très bien le hiatus mental qui s'empare du personnage, qui le pousse à adopter le même comportement que ses contemporains au détriment de ses propres valeurs. J'étais déjà touchée et répugnée par ce que je voyais, deux sentiments qui m'ont suivi tout le film. De ces personnages profondément humains, dans leur sentiment, leurs contradictions, leurs hésitations. Et leur grande incapacité à communiquer dans un monde où ils n'ont pas la liberté de s'exprimer.
Je voudrais citer une scène touchante à ce sujet. Atiq, le gardien de la prison pour femme, le visage contracté par ses préoccupations, rencontre son ancien ami, son capitaine dans l'armée talibane, et que ce dernier lui invite à ouvrir son coeur, à son ami, son ami d'enfance, celui en lequel il pourra toujours avoir confiance... Dans cette seule scène, alors qu'Atiq, d'un naturel taiseux, tente pour la première fois de se confier, son ami lui assène des réponses condescendantes. Atiq se referme immédiatement.
Enfin, la question de la morale est selon moi aussi très présente le long du film, lorsqu'elle touche la sphère familiale ou la sphère publique.


A ce sujet, la question du choix d'Atiq, qui accepte de laisser sa femme se sacrifier à la place de Zunaira, me semble un dilemme moral important. Le personnage d'Atiq ne m'était pas sympathique, malgré ses tergiversations. Les souffrances qu'il inflige à sa femme par son silence m'ont indignées, jusqu'au moment paroxystique où, malgré ses douleurs physiques (et c'est visiblement un effort gigantesque pour elle) elle lui prépare un repas et il refuse de manger car elle l'indispose par ses questions.


Puisqu'il s'agit de libérer ou pas un prisonnier, puisqu'il s'agit d'abandonner ou pas une personne qui nous a aidé, aimé, soigné, puisqu'il s'agit de lutter ou de se soumettre au régime. Jusqu'au dénouement à l'ironie d'une tragédie grecque.


La femme d'Atiq qui meurt fusillée condamne son mari par son dernier "je t'aime", qui lui échappe malgré elle, ce dernier moment égoïste où elle ne peut complètement s'effacer et lui rendre sa liberté sans lui assurer, une dernière fois, qu'elle meurt pour lui.

ceciledv
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le 10 sept. 2019

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