Un film incognito
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le 12 mars 2020
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Sympathique petit film d'animation d'espionnage, Les Incognitos vaut peut-être plus pour sa Version Originale.
Et cette belle trouvaille initiale: "Give me an Incredible Hug" qui prépare le message du métrage en associant Hug, le câlin, et Hulk, le gros monstre vert surpuissant. Le pouvoir de l'amour ou de la gentillesse triomphe de tout et empêche la création du Mal.
C'est ainsi que les spectateurs suivront un créateur de gadget adolescent obnubilé par les câlins, qui fabrique des chats à paillettes, des câlins gonflables et autres technologies pour soigner le mal par la tendresse, et un super-espion caricatural persuadé que la violence et les grenades sont le remède à tout, suivant cet adage de Lord Casque Noir: "Le Mal triomphe toujours car le Bien ne peut pas faire de mal !"
Les Incognitos est donc avant tout comme une réponse à cette idée reçue, comme une résurgence modernisée du Flower power,
le jeune homme réussissant là où son aîné à échoué en se défaisant de l'antagoniste par un câlin plutôt que par un drone.
Les Incognitos se fixe aussi pour objectif de parodier James Bond et c'est là aussi une belle réussite. Car le film raille autant la période Craig que la période Moore sans oublier de se jouer des rumeurs.
Ainsi, c'est Will Smith - ou du moins sa copie en dessin 3D - qui interprète le James Bond-like, après avoir pris la place de Robert Conrad dans les bottes de James West, le "James Bond à cheval". Le film cherche sans doute ici à répondre aux rumeurs qui depuis quelques années, sans doute guidées par les lobbies black, déclarent qu'il serait temps que James Bond devienne noir et soit campé par Idris Elba. Une idée qui a fait se soulever un sourcil de Roger Moore, alors taxé de racisme ... en étant le seul James Bond à avoir eu des relations amoureuses avec des femmes noires. Avis donc aux partisans d'un James Bond noir: il est là, il ne s'appelle pas Bond mais Lance Sterling.
Sterling, Sterling ... comme Robert Sterling. Mais qui est Robert Sterling ? Rien de moins que le soufflet dans la figure de ceux et celles qui persistent à prétendre que James Bond est l'espion le moins secret de la terre sous ombre qu'il révélerait sa véritable identité au premier quidam qui passe, surtout si la fille est mignonne, comme Nicky Larson. Car Robert Sterling est l'un des nombreux pseudonymes de James Bond, introduit par Roger Moore dans L'Espion qui m'aimait puis repris par Daniel Craig dans Quantum of Solace. Les Incognitos font donc dans la dentelle et l'érudition bondienne.
Érudition qui se retrouve dans la composition du méchant du jour, Killian "Main de fer". Cet antagoniste est un concentré de plusieurs adversaires de 007 à commencer par Alec Travelyan et Raoul Silva de par son visage à demi brûlé et susceptible d'être transformé pour paraître sain. Comme le Dr Kananga alias Mr Big (et accessoirement Fantômas), Killian est en mesure de prendre l'apparence d'autres personnes et de se faire passer pour quelqu'un qu'il n'est pas. Comme Le Chiffre de la EON, il accuse un problème à l'oeil et comme son prédécesseur, Gustav Graves, il a été laissé pour mort mais revient bien vivant avec une haute technologie qui fait de lui un personnage de science-fiction. Comme la plupart des méchants de la période Craig, il ne revient que pour se venger de Sterling et des services secrets. Mais surtout, on le surnomme "Main de Fer", référence tant aux dents en acier de Requin, célèbre géant second couteau de la franchise James Bond qu'à Tee-Hee, l'un des hommes de main du Dr Kananga dont une main, dévorée par un alligator, s'est vu remplacer par une sorte de pince de fer. Tee-Hee et "Main de Fer" faisant en réalité référence à l'apparence littéraire du premier méchant de la saga cinématographique, le célèbre Dr Julius No. Mais le génie de cet antagoniste ne se limite pas à jouer les catalogues d'ennemis célèbres sur pattes, cela a déjà été accompli par des Dr Claw (Max la Menace) ou des Dr Gang (Inspecteur Gadget). En réalité, ce "Main de Fer" ne peut qu'être l'ennemi du papa de 007 étant donné son prénom: Killian. Un prénom tout simple qui, décomposé, donne tout de même Kill Ian, comprendre Tuer Ian (Fleming). Étonant, non ?
Moins subtilement, Les Incognitos parodient deux volets majeurs de la saga James Bond.
Le plus évident pour les spectateurs modernistes dont la culture Bond se limite à l'ère Daniel Craig, c'est le drôle quoique agaçant "DISAPPPEAR" ! On l'aura aisément compris, Les Incognitos ont repris le point fort, le noyau dur de Spectre, le dernier volet en date, à savoir le duo Bond-Q, pour s'en moquer et dans le même temps faire passer son deuxième beau message. Comme dans le film de Sam Mendes, l'espion cherche à "disparaître" et demande à l'inventeur de gadget de le "faire disparaître". Il est certain que personne, Daniel Craig lui-même en prononçant cette réplique majeure de la bande-annonce du film, ne s'imaginait voir Bond se changer en ... pigeon ! Les discussions,la relation et la rivalité entre Sterling et Beckett pastichent avec brio celles de Q et 007 dans Skyfall et Spectre, offrant une jouissive parodie et le plaisir communicatif de l'excellent duo Will Smith-Tom Holland. Un duo construit sur l'antinomie jusque dans le résumé de l'oeuvre: "Le super espion Lance Sterling et le scientifique Walter Beckett ont des personnalités radicalement opposées. Lance est relax, cool et il a du style. Walter est… tout l’inverse". Un duo qui sert donc l'un des messages du film, une ode à la complémentarité qui l'emporte un peu malgré elle sur le message initial "let's get weird".
So, let's get weird ! Soyons fous et inventifs ! Un bel hommage à la période Roger Moore de la saga 007 qui se permettait plus d'onirisme, plus de fantaisie ! Et notamment dans Moonraker où l'on trouve peut-être le summum de l'esprit Roger Moore dans et hors de Bond. Roger Moore, que ce soit dans Le Saint, dans un publicité pour des cigarettes asiatiques jouant sur son image d'espion ou dans bien de ses aventures cinématographiques, est lié à la ville de Venise. L'espion qui se déguise en pigeon pour ne prendre pour des pigeons que ses adversaires et non les spectateurs, c'est un peu lui. Cette idée de cacher un espion parmi les pigeons de la ville stéréotypée comme étant la ville des pigeons, n'est-ce pas un subtil et bel hommage au James Bond qui nous a quitté en 2017 et que nous regrettons souvent en visionnant les trop sombres missions de Daniel Craig ?
En tout cas, entre parodie et appel à plus de fantaisie, Les Incognitos porte un regard critique sur l'ensemble de la saga du plus emblématique des espions et en profite pour passer de beaux messages sociaux.
Sans aller jusqu'à dire que ce film d'animation est un chef-d'oeuvre, on avancera qu'il mérite bien un Incredible Hug !
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes La Cérémonie du Goldenspy 2019: L'Année des espionnes rebelles et Les films où l'on peut voir Venise
Créée
le 2 janv. 2020
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