Nous sommes des explorateurs du cinéma.
Après avoir éventuellement revisité les grands monuments de notre art, comparé nos goûts, étalonné nos préférences, rien ne nous fait plus plaisir que de redécouvrir, au fond d'un village oublié, un petit édifice perdu d'un architecte du film, aimé (ou non) ou connu (ou pas).

Grâce à SC on dégote souvent, et de fil en aiguille, de véritables bijoux qui ont fait les beaux jours de générations de défricheurs passés avant nous. On pourra se pâmer ici sur une structure baroque, jubiler là de textures chatoyantes inhabituelles, reconnaître enfin ailleurs le génie de tel artisan aujourd'hui un peu trop oublié.

Et puis, y a les énigmes. Les vraies, celles, absolues qu'aucun spécialiste ne parviendra à résoudre.
Et les autres. Celles que notre œil désormais aguerri peut expliquer après un simple examen.
Que voulez-vous, c'est le métier.

Tiens, prenons ces "inconnus dans la ville".

Tout le travail préparatoire semble impeccable.
Les fondations sont plus que solides: somptueuses. Une photo superbement technicolorisée, des acteurs aux petits oignons et surtout, surtout, un scénario qui semble en béton.
Cet énième version du film de braquage de banque s'attaque à son sujet de la meilleure des manières: par le biais. Pendant une heure, on nous présente l'ensemble des futurs ingrédients du drame, sans parti-pris: casseurs, employés, clients sont suivis avec une certaine neutralité qui confine parfois à l'ennui poli mais toujours avec une certaine classe.

Puis vient le drame. Le rivet défectueux, pierre angulaire qui a causé l'effondrement de tout l'édifice.
(je me sens obligé de préciser que ce qui va suivre dévoile légèrement un des moments-clefs de l'intrigue)

Il y a ce moment fou, où, à un petit quart d'heure de la fin, un père de famille, séparé d'elle, se retrouve enfermé par les trois braqueurs dans la grange d'une famille Amish, avec ces derniers.
Alors que les bandits proposent à ce père (Victor Mature) de lancer les clefs de leur camion pour qu'ils puissent se tirer tranquille, il préfère affronter les trois hommes armés.
Comme ça.
Gratuitement.

Ah non, pardon, je m'égare. Il le fait pour deux raisons. D'abord parce que son fils s'est battu à l'école le matin même à cause d'un copain de classe qui venait de mettre en doute son courage. Ensuite, parce que le chef de famille Amish, non-violent absolu (il venait de refuser de récupérer des balles sur le corps d'un kidnappeurs mort, c'est dire!), décide soudain de mettre en péril toute sa tribu (un de ses fils se fera d'ailleurs crépir le lard) pour une vague histoire de principe (combattre le mal) et de conviction ("dieu décidera si on s'en sort").

Un tel tournant grotesque dans une réalisation jusque là impeccable aura eu raison, on le comprend bien, de l'intégrité de l’œuvre, qui ne pouvait faire autrement que de disparaitre avec fracas dans un nuage d'oubli salvateur.
Amen.
guyness

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