Martin Scorsese est un metteur en scène hors pair, c'est indéniable, et n'a plus vraiment grand chose à prouver. Alors quand il s'attaque au remake du chef-d'œuvre hong kongais Infernal Affairs, cela donne une tension quasi-insurmontable. Aussi, confier un tel remake à un réalisateur de la trempe de Scorsese, on peut être sûr que le résultat ne sera pas décevant...
Pari réussi donc, Les Infiltrés étant tout simplement un remake de haute volée où nous passons des quartiers chinois aux rues de Boston, nos deux héros devenant quant à eux des Irlandais pure souche, l'occasion pour le metteur en scène américain de rendre réaliste un récit passionnant où un flic violent et solitaire (DiCaprio) va infiltrer le réseau d'un dangereux mafieux Frank Costello (Nicholson) tandis qu'un autre flic (Matt Damon), fraichement promu sergent, est en réalité une taupe au service de Costello infiltré dans la police et permettant ainsi de prévoir les différents coups de son vrai patron.
Si le pitch ne change donc pas comparé au film de Lau et Mak, c'est surtout dans le décor et l'ajout de certains nouveaux personnages que cette refonte américaine va se différencier de son prédécesseur. Nous découvrons ainsi l'arrivée dans l'histoire d'un sergent-chef supplémentaire (Mark Wahlberg, excellent) et surtout d'une femme (Vera Farmiga), psychiatre des deux hommes, petite amie de l'un et fortuitement maîtresse de l'autre. Une relation supplémentaire certes dispensable mais adoucissant néanmoins finalement le long-métrage.
Et c'est principalement là où l'on préférera certainement l'original : si la transposition du côté oriental au côté occidental se fait une aisance déconcertante, c'est surtout face à un manque total de réelle tension que nous avons affaire, Scorsese n'arrivant pas à insuffler à son remake la pression palpable qui dégageait d'Infernal Affairs. Non dénué de séquences sanglantes, le film reste pourtant très soft, surtout pour un film de Scorsese qui se concentre ici sur les rapports entre les personnages et l'évolution de l'enquête, oubliant les moments forts du film original (comme le deal de coke, ici peu mémorable).
Fort heureusement, Les Infiltrés réussit à passer outre la case du remake raté grâce à une interprétation haut de gamme allant du monstrueux Jack Nicholson, toujours aussi imposant, à l'excellent tandem Damon / DiCaprio bien entendu. Le premier campe ici un rôle à contre-emploi surprenant tandis que le second, nouveau poulain de Scorsese, s'impose à nouveau dans le premier rôle. En bref, malgré un statut forcément inférieur à l'original, ce remake s'avère au final brillant, fort heureusement mis en scène par un Martin Scorsese moins sanguinaire que d'ordinaire mais tout aussi passionné.