Le rythme est effréné, les rebondissements fréquents et on ressent l'étau se resserrant autour des protagonistes dès les premiers instants du film.
Martin Scorsese ne fait pas dans la demi-mesure lorsqu'il décide d'adapter Infernal Affairs, thriller hongkongais du début des années 2000 sublimé par Andy Lau et Tony Leung. Pourtant, si l'empreinte Scorsese se fait parfois ressentir, ce n'est pas systématiquement le cas et le film peine à s'affranchir de son modèle.
Replaçant d'emblée le film dans un contexte qu'il connaît par cœur, à savoir le métissage culturel américain (Boston, l'immigration irlandaise, les revendications des origines …), il commence par présenter efficacement les personnages et là encore il va droit au but. Dès le début, on les connait tous, et il peut dès lors se concentrer sur le principal, des âmes qui vont se croiser et dont tout semble indiquer qu'ils vont filer vers un destin funèbre.
La tension est là, l'ambiance est de plus en plus prenante et fataliste alors que Scorsese nous fait ressentir la peur des personnages, chacun ayant peur d'être découvert. Sa mise en scène est impeccable, il rend son film palpitant, on ressent le pouls de chacun des protagonistes lorsqu'il accélère, les dialogues sont aiguisés, de quoi oublier le manque de subtilité autour de la psychologue et de ses intrigues amoureuses.
Ce point-là, comme quelques autres, représente un vrai point faible. Il a "hollywoodisé" le film pour le pire, et non le meilleur, en exagérant les vices du méchant (devenu cocu et impuissant), en permettant à Nicholson de bien trop cabotiner et en changeant le destin du film pour le rendre plus "moralement" acceptable.
C'est dommage, car son talent hors pair de conteur fait régulièrement merveille, c'est fluide et on se délecte des tableaux mafieux de Scorsese.
Il fait de The Departed une fresque, retraçant et mêlant des destins, et poussant ses personnages jusqu'au bout de leur projet, que ce soit par orgueil ou obligation. Les deux protagonistes vivent avec une épée de Damoclès au-dessus de leur tête, liés par un charismatique chef mafieux qui n'en fait de toute façon qu'à sa tête. C'est cru, assez violent et le cinéaste italo-américain se permet même quelques touches d'humour noir qui fonctionnent très bien.
Que ce soit les différentes instances chez les flics, le fonctionnement au sein de la mafia ou les liens entre les deux, tout cela est très bien écrit et tout le monde trouve sa place dans le montage électrique, à l'image de la bande son. Les grands moments ne manquent pas alors que les comédiens sont bien dirigés, chacun s'appropriant bien son personnage, que ce soit les principaux ou ceux autours, à l'image de Martin Sheen.
Certes, nombreux de ses éléments étaient déjà dans Infernal Affairs, parfois en mieux, d'autres fois en moins bien, mais il est très difficile de ne pas penser au film hong-kongais, de nombreuses séquences sont parfois similaires ou presque.
Lorsqu'on a le film en tête, c'est difficile de totalement profiter de ces moments, et on peut se dire, finalement, que ce remake aurait pu se détacher plus de l'original au lieu de laisser une impression, certes d'un film réussi et maîtrisé, mais avec un petit goût d'inutilité.
Martin Scorsese signe avec The Departed une fresque passionnante, mais qui peine à se détacher de l'original Infernal Affairs, l'empirant même sur certains points. C'est néanmoins une œuvre sanglante et crue, faisant ressortir la tension et la fatalité de personnages aux destins funèbres et liés par le sang, qui baignent dans la violence avec une épée de Damoclès s'agitant au-dessus de leur tête.