Le pire des enfers est l'enfer permanent. Il implique des souffrances continues.
Pris au piège par une vie. Un vie qui lui est tombé dessus trop tôt, pour l'un. Une vie qui lui correspond que trop bien, pour l'autre. Ironique est ce cour de balistique traitant de la balle que cette vie leur promet. Ciblé par le cadre, perdu par le montage et les faux raccords, DiCaprio et Damon sont sous pression, et devront jouer le rôle d'un rôle.
Un rôle masculin, parfois machiste, parfois homophobe, un rôle de burnes qu'il faudra exhiber pour ne pas être démasqué, si ce n'est par cette psychiatre. Mais attention au sur-jeu, trop en faire est un risque. Qui frapper ? Cet abruti accoudé au bar ou ce Sergent dont on doute du réel soutient ? Où vivre pour être respecté ? Faut il assurer au pieu pour être un authentique mâle ? L'un n'a rien, et se manque lui sourit dans ses relations. L'autre n'a guère plus, mais doit combler cet appartement d'une femme pour ne pas éveiller les soupçons. Tout deux seront partenaires de dance sur ce tango d'Howard Shore. Qui, bien que latino-romantique, n'adoucira pas la violence de l'oeuvre.
The Departed est un film agressif, par le montage et par le son. Car être infiltré c'est vivre dans un monde de soudaines et inattendues violences. C'est au moment d'accepter sa mission que le surdoué au profil du délinquant parfait le comprendra. Car le morceau Shipping Up To Boston résume dans les grandes lignes l'ambiance que veut instaurer Martin Scorsese. C'est pourquoi, au moment d'entendre ses premières notes en discret crescendo, la musique nous éclate aux oreilles pour laisser apparaître le titre du film, présentant par la même occasion les maisons/prisons, que l'on a attribuées/imposées à ces deux personnages. Cette même musique qui, à l'image des infos qu'auront à traiter les personnages au cour du film, est pénible à suivre. Violente, soudaine, mais qui s'arrêtera sèchement et reprendra de plus belle tout aussi bruyamment. Il faut garder le rythme pour ne pas se faire bouffer, et mon dieu quel rythme. Monsieur Scorsese sait y faire. Que ce soit pour gérer la longue carrière des Affranchis, ou (plus tard) pour tenir en laisse le Loup de Wall Street. Mais à l'inverse de ce dernier exemple, The Departed ne laisse pas éclater sa folie, appart peut être dans son final pourtant d'un calme, disons, administratif. Non, ce film bouillonne d'une rage contenue et continue. Une rage qui saura se laisser lire dans le regard du tristement non oscarisé en ce temps, Leonardo DiCaprio. Rage ou paranoïa ? Ses gestes laisseront sans nul doute transparaître sa place de criminel. Mais bien que sa main n'ai jamais tremblée, son regard, lui, crie "panique".
C'est ce duo mi-calme mi-chaos que la musique de ce film sait transmettre. Car Howard Shore peine à se faire entendre, et pas seulement à cause de ce titre folklorique et fun présenté plus tôt, les Stones et quelques autres artistes populaires seront de la partie. On ne sait plus où donner de l'oreille. Et nos yeux ne seront pas en reste. Le brillant montage saura nous perdre. Le découpage des plans donnera parfois cette impression de vitesse, d'un train que l'on aurait manqué, comme ci on avait loupé une action. Peut être a t'on assisté à un faux raccord ? Ou peut être a t'on vu cette action avant de l'oublier trop vite ? C'est bien possible. Car les personnages ont beaucoup d'informations à traiter, et se doivent de rester calme malgré cette coupe du plan. Ils se doivent de rester dans le rôle car le spectateur guette avec empathie pour DiCaprio, et sans empathie pour Damon, la moindre erreur qu'ils pourraient commettre.
Comme pour ses deux personnages, The Departed n'a aucune réelle identité. Il pense bien faire en donnant ce qu'il doit donner pour suivre le script dicté à la fois par la pègre et par la police, il est à la gloire des deux camps, mais tout deux perdrons leurs chevaliers servants. Jouer le rôle d'un autre est un boulot extrêmement dangereux, ce film nous en présente le prix à payer.
Merci Martin pour cette crise de panique permanente.