Encore aujourd'hui pilier inébranlable du cinéma fantastique, The Innocents adapte avec brio un classique de la littérature britannique dans l'ectoplasme du gothique monochrome, se révélant aussi poétique qu'insidieux. L'éternelle force du film est la maîtrise parfaite de Jack Clayton des différentes échelles fantastiques, le doute viscéral de l'élément surnaturel nourrissant la pertinence radicale des multiples motifs qu'il soulève, prières au temps qui passe, aux perversions du reflet et à leur infection. Les fantômes du passé s'incrustent autant dans le psyché des protagonistes que dans la forme même du film, des sublimes jeux de focales aux manipulations stagnantes du fondu enchaîné, structurant une pure œuvre de la contamination et de l'obsession. Tandis que le malaise s'installe sur une comptine envoûtante, l'ambivalence du fond nous happe la gorge : les jeux paranoïaques sur l'immatériel, aussi antiques que précurseurs, invoquent alors la divinité de l'enfant en proie à la corruption des adultes, leur éducation perturbée, leur psychose croyante, voire même leur sexualité menaçante. Chef d'œuvre de l'épouvante, The Innocents est un monument suggestif de l'ambiguïté du Mal, la profondeur visuelle et l'acidité sonore enfermant ses acteurs hallucinés dans le prisme inquiétant de la vulnérabilité et de la frustration.
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