Les Innocents pose, en 1961 (un an après Psychose) beaucoup de bases du film d'épouvante. Une ambiance mystérieuse, des faits incertains, des scènes dans le noir avec une personnage qui avance doucement à la lumière de la chandelle et le plancher qui grince. D'une manière générale, l'effet est très réussi (je me suis vraiment fait surprendre), et l'ambiance morbide donne vraiment une couleur particulière au film.
Pourtant je suis mitigé... Beaucoup de choses sont simplifiées, pour ne pas dire négligées dans ce film. Pour commencer, les acteurs sont peu convaincants, et sans même parler des enfants, c'est l'actrice principale qui m'a semblé fausse. Mais tout cela n'est peut-être pas tant la faute des acteurs que celle des personnages, de la façon dont ils sont écrits. Mme Grose, par exemple, a parfois des réactions... Illogiques. Lorsqu'on lui dit que les enfants sont possédés, elle répond : "mais que va-t-on faire ?", là où n'importe qui réfléchirait un tant soit peu aux faits.
De même, l'actrice principale fait preuve d'une extraordinaire perspicacité, elle arrive tout de même à comprendre, par la simple présence d'un homme à l'extérieur, que les enfants sont possédés, et tout le long du film elle est absolument sûre de ce qu'elle avance. Bien sûr, tout cela pose une ambiance, et aurait pu permettre une seconde lecture : on aurait pu s'imaginer que Mlle Giddens perdait la tête, si la fin ne nous l'infirmait pas.
Esthétiquement, le film réussi quelques plans inhabituels durant les scènes d'épouvante, mais le reste du temps, tout n'est pas convaincant. Je pense notamment aux rêves, qui sont simplement des superpositions de plans, là où certains films plus anciens, comme Sueurs Froides, cherchait des choses nouvelles, et surtout plus immersives.
Les Innocents manque malheureusement de subtilité, de second degré, et cherche peut-être trop à prendre son spectateur par la main. C'est dommage, car ce système de dualité appuyé par une ambiance sinistre et malsaine avait beaucoup de potentiel. Et le film vaut quand même la peine d'être vu, les défauts ne sont pas majoritaires.
Je pense qu'il mériterait tout de même un remake. Le film a bientôt 60 ans, l'image et les interprétations ont vieilli. Mais en y repensant, le très bon Les Autres d'Alejandro Amenábar est infusé de Les Innocents, surtout par son atmosphère, et s'il n'est pas un remake, s'inscrit tout de même dans une continuité de ce genre épouvante/fantastique.