Ce qu'il y a de bien avec Chabrol c'est qu'on est jamais déstabilisé devant ses films. C'est comme suivre un épisode de série, dans le sens où il y a une belle continuité. Il n'a du écrire que 4 personnages dans sa vie : La femme, belle, glaciale avec son mari mais qui a le feu aux fesses auprès de son amant, le cocu avec le sang aux tempes prêt à commettre l'irréparable, l'amant forcément beau et con à la fois, et puis le flic qui sent le tabac, avec une moustache de préférence, misanthrope, qui coffre tout ce petit monde à la fin avec une tirade ironique.


Son oeuvre c'est ça : un recommencement. Des crimes de sang dans des demeures bourgeoises, un grain d'image 70's, des tons orangés, Stéphane Audran et du demi travelling à gogo. C'est un enfant d'Hitchcock, comme de Palma. On est jamais déstabilisé, mais du coup, parfois on se fait chier.


Ce qui n'est pas le cas durant la première heure des innocents aux mains sales. Puisque pendant toute la première partie du film, on est bien happé par cette histoire de crime passionnel à Saint-Tropez. Y a un côté La piscine. Romy était au top de son sex appeal, Rod Steiger par toujours intelligible mais crédible dans le rôle du vieux mari alcoolique déguisé en capitaine Haddock new-age. Et puis Rochefort en avocat volubile pour deux scènes, François Perrot avec les favoris de Wolverine, et le duo d'inspecteurs façon Gotlib.


C'est très bien pendant 1 heure, et puis Chabrol se trouve pris au piège de l'adaptation. L'histoire est tirée d'un roman de Richard Neely, et il doit donc faire avec. Or, il aurait peut-être du s'inspirer de l'idée de base et s'en émanciper un peu, pour partir sur un truc plus crédible. Parce que les rebondissements totalement improbables font que la bonne mise en scène réaliste et froide instaurée par Chabrol se casse la gueule avec les coups de théâtre clairement ridicules.


Rod Steiger qui revient d'entre les morts, et qui nous livre une explication à ce que les spectateurs n'ont pas vu, avant que sa version ne soit elle-même effacée 15 minutes plus tard par la venue d'entre les morts également de l'amant - campé par un acteur italien effroyable très vague sosie de Delon et qui nous est présenté pendant une heure comme un écrivain fan de cerf-volant (sic).


Il n'y a plus rien qui va dans l'histoire dans le dernier tiers. L'avancée de l'enquête policière manque de naturel, puisqu'elle colle étonnement bien à l'avancée des révélations faites aux seuls spectateurs. Ainsi, le flic parisien change de théorie au gré des informations délivrées au spectateurs auxquelles il n'a pourtant pas accès. Ce doit être un medium chevronné, il n'y a pas d'autre explication


Quand Rod Steiger fait son retour, le flic parisien s'écrie au restaurant devant sa bouillabaisse "mais vous savez inspecteur, à mon avis, le mari est vivant, il a tué l'amant, envoyé les lettres, placé la boucle d'oreille etc etc etc..." un raisonnement qui tombe du ciel comme ça. Il fait prendre un virage à l'enquête en partant sur une théorie capitale qui tombe de nulle part. En suçant une tête de poisson, comme si c'était un détail sans importance. Tout ça pour préparer le terrain et permettre l'arrivée de la police à la fin qui était donc sur le coup. On passe sur le détail du méchant amant repéré par hasard dans la rue par quelqu'un et qui prévient la police...


Difficile de comprendre pourquoi Chabrol a eu un coup de cœur pour le bouquin - à l'évidence complètement con - au point d'en faire une adaptation. C'est dommage car il sort ses meilleurs films dans cette décennie, et là ça fait un peu tache. Disons qu'il a tiré le max d'une histoire trop tarabiscotée et pas crédible pour intéresser qui que ce soit.

Negreanu
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le 21 sept. 2021

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