Avec Les Jeunes Amants,Carine Tardieu rend hommage à Solveig Anspach qui avait initié le projet et à qui on doit Lulu femme nue, autre partition sur l'émancipation féminine. Tout comme certaines femmes s'interrogent sur des relations asexuées pour reprendre la maîtrise de leur corps, est-il possible de vivre une sexualité passé l'âge de la séduction ?
Il semblerait aujourd'hui que par trop-plein de formatage, les femmes revoient leur positionnement aux normes, comme rébellion à leur imagerie, leur rôle et leur légitimité à exister, par les multiples signaux qui finissent par ne plus les concerner. Les films et leurs histoires d'amour marquant toujours les mêmes jeunes profils alors même que l'on renversera les rôles pour mieux les cantonner encore à leur forte sexualisation, ou les publicités qui forcent le trait avec tout objet n'ayant aucun rapport comme message subliminal, pour bien nous la rappeler.
Si le choix de Fanny Ardant toujours belle et imposante ne prend pas trop de risque sur sa capacité à séduire, la cinéaste se devait de contourner les critiques évidentes à venir par son choix et par la forte présence de son actrice, qui jouera brillamment de ses expressions passant de la candeur adolescente au visage fermé de celle qui se refuse à une relation interdite. Femme indépendante, Shauna, 70 ans, -âge qu'elle n'aura de cesse à rappeler à son jeune amoureux-reste en phase avec son époque et s'y adapte tant bien que mal en refoulant tout désir. Un refus où le bien être se doit aussi de passer par l'absence de fortes émotions. De la vieillesse et du désir qui s'étiole, si Les jeunes amants choisit de parler d'amour et par la même de sexualité, elle le fait en pointant le curseur sur cette relation hors norme. Une passion amoureuse improbable où le regard des autres ne sera qu'en filigrane. Une approche sentimentale qui convoque les amours naissants et leurs flottements, pour rendre compte d'un passif exempt de toute folie des corps et de la crainte à l'inaptitude. La déchéance du corps, souvent caché, la différence d'âge, la crainte de souffrir et la maladie naissante, pour s'interroger sur sa légitimité à aimer et à être aimée. Une perte de repères qui se confirme par l'incapacité à gérer ses émotions, à ne plus savoir écrire de texto dans l'urgence du premier rendez-vous, de ce corps fatigué qui ne peut plus sortir de la baignoire ou de ces mains que la cinéaste filmera bien souvent pour mieux balayer ce qui finalement n'a aucune importance face aux sentiments. L'actrice retrouve un beau rôle et un jeu en conséquence et rend compte avec simplicité et force de son conflit intérieur. Melvil Poupaud moins théâtral qu'à l'accoutumée est parfait, tout en regard et gestuelle, lui aussi en prise avec une certaine moralité qui ne tiendra pas face à ce bouleversement.
La cinéaste aura le mérite d'interroger sur la notion de coup de foudre, de ces raisons du cœur que la raison ne connaît pas, qui s'exonère de tous critères physiques liés à l'âge et aux conséquences à venir, optant pour la liberté même fugace, hors freins sociétaux. Fort heureusement, ici pas d'enfants dégoûtés par leur parents ou leurs grands-parents qui s'embrassent et qui interroge toujours sur notre société à l'éducation. Pas d'insulte pour la limite d'âge et pas de formatage d'une fille qui ne voudra que le bonheur de sa mère tout en vérifiant la pauvreté de sa propre vie amoureuse. Et on retrouve avec grand plaisir le jeu à fleur de peau de l'excellente Florence Loiret-Caille, et de Cécile de France, en épouse trompée, bien en deçà pour un rôle d'acceptation peut-être trop grossier.
Quelques maladresses, bien vite balayées par la sobriété et la force d'émotion pour un film français qu'il est bon de conseiller.