«On a toujours à défendre les forts contre les faibles.» disait Nietzsche. Chez Fassbinder, en tous cas, il y a des forts (Maria Braun au hasard) mais il y a surtout des faibles. La faiblesse humaine est LE motif qui traverse toute l'oeuvre prolifique du grand cinéaste allemand. Que ce soit dans Je veux seulement que vous m'aimiez, dans Tous les autres s'appellent Ali, dans le Droit du plus fort ou bien encore dans ces fabuleuses Larmes amères, Rainer Werner Fassbinder dévoile des personnages plongés dans une profonde misère affective.

Les Larmes amères de Petra Von Kant est encore un éloge de la faiblesse. La différence, si mince soit-elle, c'est que la forme du huis-clos et du temps réel qui constitue le dispositif du film permet à Fassbinder d'évacuer toutes les connotations sociales habituelles pour se recentrer sur les sentiments humains.

On peut parler en long, en large et en travers de RWF, de sa mise en scène élégante et fastueuse des intérieurs. Dans Petra von Kant, on est jamais très loin de la pose. Mais c'est pas grave, c'est sublime. Il y a d'abord une touche tout droit héritée de l'expressionnisme allemand. Le cinéaste nous fait pénétrer dans l'appartement luxueux et fantomatique de Petra von Kant, des toiles de maîtres au mur et des mannequins décharnés un peu partout. Reflet évident de la solitude de son personnage, que la suite du film ne viendra qu'appuyer.

Dans les Larmes amères de Petra von Kant n'existent que des rapports de force. Petra impose une discipline tyrannique à sa secrétaire, qui la suit aveuglément, supposément par amour. Et Petra tombe à son tour amoureuse d'une jeune femme, qui abusera bientôt de sa bonté. Chez Fassbinder, les gens sont bons, trop bons et c'est toujours ce qui finit par les perdre. Histoire d'amour à sens unique, d'une tristesse absolue.

Par l'épure totale de sa mise en scène, pourtant toujours cinématographique (Fassbinder a beau avoir écrit des pièces, ses films ne ressemblent jamais à du théâtre filmé), le formidable auteur qu'est Rainer Werner Fassbinder livre surtout un film sublime et si juste sur le sentiment amoureux. Un sentiment qui confine ici à l'obsession tant Petra ne rêve finalement, et elle l'avouera dans une de ses ultimes diatribes, que de posséder la belle jeune femme. Les personnages de Fassbinder sont extrêmement touchants dans leur bonté exagérée, leur détresse affective, leur naïveté parfois prononcée. Finalement, ils sont terriblement humains et c'est ce qui les rend si beaux.

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le 12 oct. 2014

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Nwazayte

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