Les Liaisons Dangereuses de Frears, une adaptation réussie!

Rares sont les oeuvres étudiées en cours que j'ai revues/relues par moi-même par la suite. Mais celle-ci m'a tout particulièrement intéressée.
Cette adaptation de l'oeuvre littéraire de Choderlos de Laclos n'a rien de l'aspect parodique des autres films qu'elle a inspirée (Sex Intention 1, 2, 3... je ne sais pas s'il y en a eu d'autres, et je ne sais pas si je tiens à le savoir).
En effet, toute la complexité de la tâche de Stephen Frears résidait dans le caractère purement épistolaire du récit.
J'avais admiré le style et l'originalité du livre, et Frears ne m'a aucunement déçue par son adaptation.
Les éléments principaux qui m'avaient plu dans le livre sont bel et bien présents dans le film.

1) L'ambiance. On la ressent dès le générique, à travers la musique d'ouverture, composée par George Fenton. Les violons démarrent la danse, bien rythmés, assez sombres, on sent que quelque chose se trame, inévitable. Des flûtes un peu légères annoncent quelque part la frivolité des personnages, une légèreté d'esprit, en contraste avec les violons, qui pour moi représentent la fatalité de l'histoire à venir. Il s'agit bien entendu de musique de style baroque, en accord avec l'époque. Les musiques choisies pour les scènes clés du film donnent véritablement le ton et ont un côté assez ironique à certains moments, parfois légères quand en réalité se trament les plans diaboliques imaginés par la perfide Merteuil. En résumé, la musique tient une part très importante dans le ressenti du spectateur face à l'action en cours.
Je dois ensuite souligner un choix de décors très précis, avec de lourds chandeliers qui évoquent quelque part des sortes d'épées de Damoclès au dessus de la tête des personnages... ironique, n'est-il pas.
Les drapés et les tissus en tout genre soulignent bien la volupté des personnages, un peu de douceur pour mieux cacher leur sourde hypocrisie.

2) L’ambiguïté. J'ai particulièrement apprécié la fameuse scène où Valmont écrit sa lettre à double sens à sa bien aimée Mme de Tourvel. On peut lire dans son regard le plaisir qu'il prend à ce jeu, et c'est bien comme cela que j'avais visualisé la scène lors de ma lecture de celle-ci. Il s'agissait quelque part d'un sacrifice par rapport au livre, l'intérêt de cette scène résidant justement dans l'ambiguïté de l'écriture. Frears aurait pu tout simplement faire lire la lettre à Mme de Tourvel, restant fidèle envers le lecteur... mais ici, l'intérêt de cette ambiguïté n'est pas essentielle pour le ce dernier, qui lui n'est pas dupe: c'est Mme de Tourvel qui tombe dans le panneau, tandis que nous nous esclaffons en bons spectateurs omniscients.

3) L'évolution individuelle des personnages, et leurs influences communes. Première apparition de Merteuil: un visage hautain, le regard sûr... jusqu'à son ultime apparition: vacillante, défraîchie, le masque tombe et sa dignité s'efface... avec son maquillage! Mais pour ce qui est d'évoluer, le personnage de Valmont, joué par le talentueux John malkovich, n'est pas en reste, loin de là. L'influence de Merteuil se fait ressentir dans ses petites mimiques effrontées, mais on perçoit sa sensibilité, et elle ne fait qu'augmenter au fur et à mesure que l'histoire progresse. Mais parlons un peu de Cécile, et cet empoté de Chevalier de Danceny. Et bien, je dois dire que tout comme dans le livre, on les voit comme les « outils » des deux personnages principaux, et au final on se moque un peu de leurs histoires niaises et naïves à souhait. Tout ce que le spectateur veut, c'est se délecter en observant les petites manigances des deux lascars. Rien ne m'a dérangée dans le jeu des acteurs : la Cécile du début a le petit air coincé que l'on attendait, et Danceny a l'air d'un bambin adulte, réjoui et bienheureux, insouciant, à la mesure du personnage de Laclos. Quant à Mme de Tourvel, les joues roses, bien apprêtée comme il faut, je n'ai rien de bien particulier à en redire... Il y a d'autres personnages secondaires que je ne citerai pas, mais vraiment, dans l'ensemble, pas de couac.

En conclusion, je dirais que c'est une des meilleures adaptations cinématographiques basée sur une œuvre littéraire que j'aie pu voir jusqu'ici, surtout pour ce qui est du genre épistolaire.
AdelineClaireMo
9
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le 7 janv. 2014

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