Le cinéma contemporain est balloté entre deux périls fatals. D'un côté, bien sur, le bolockbuster © survitaminé dont le scénario est un des maux nécessaires. De l'autre, la récitation morte de 100 ans de cinéma dont on ne garde que les formes, les sons, une espèce de coquille vide qu'un tombereau d'académisme mortifère ne parviendra jamais à remplir suffisamment pour lui donner une apparence de vie.
Les Lignes de Wellington fait, hélas, mille fois hélas, partie de la deuxième catégorie.
Dès les premières secondes, un lent déplacement de caméra accompagné de longues notes emphatique soulignées de coeurs solennels. Des soldats dans la brume, une voix off. On est alors pris d'un pincement: si le pire n'est jamais certain, son spectre devient d'un coup sacrément tangible. Les minutes suivantes sont terribles: on assiste à une bien à une succession de choses mornes et attendues.
Et comme l'ennui n'est jamais loin et que le métrage prend son temps, on est bien tenté de regarder les détails. Ils sont cruels. Les figurants sont à l'image du film: ils font semblant.
Ici, l'actrice qui tente de découper un volatile sans jamais lui ôter une once de chair malgré ses coups répétés. Là, trois personnes qui caressent le sol à l'aide de bêches curieusement inefficaces. La encore, des silhouettes animées de la vitalité d'une pâte à modeler endormie font semblants de pousser une charrette à une allure frôlant les 4 jours pour 100 mètres, a vue de nez.
Mais ce n'est bien sûr pas le pire.
Le film est très bien joué.
Les interprètes débitent de parfaits monologues et récitent superbement de très belles répliques de cinéma. Un peu, vous savez, comme ces acteurs qui jouent le quidam moyen dans des spots radio dont chaque syllabe sent le je-suis-un-acteur-qui-interprête-monsieur-tout-le-monde. Une forme de parodie douce dont est exempte toute trace de rage, d'envie, de fougue. En un mot, de vie.
On parle chacun son tour, on se déplace quand l'assistant fait un signe, on vient sagement se poser sur sa croix. Et on récite de manière impeccable des moments emprunts de philosophie sur la vie, la mort la guerre ou l'amour. C'est beau comme une réflexion sur ce que pourrait être une épopée.
Une distribution surnuméraire ne change rien à cette succession de scènes disjointes dont aucune émotion, à aucun moment, ne vient troubler la funeste monotonie. Les personnages entrent et sortent de la fresque avec une rigueur dans l'indifférence qu'ils inspirent qui force le respect, dans un maelström de langues hétéroclites à l'image du film, machin un peu boursoufflé et un peu mort-né, dont on ne peut que se demander s'il aurait eu la même vacuité s'il avait été tourné par Raùl Ruiz.
J'aurai au moins appris la recette du boeuf Wellington, piètre réconfort dans la mesure ou il me faudra retrouver le moment ou Malkovich donne ses petits secrets culinaires, le jour ou me prendrait l'envie d'honorer par la bouche un film à ce point sans saveur.