Le cinéma des années 80, n'a pas seulement hébergé que des “Feel Good Movies" familiaux à base d'aventuriers en herbes, de gentils extraterrestres ou d'autres récits sympathiquement pop, non, la preuve en est avec le drame urbain "Suburbia" de Penelope Spheeris datant de 1983, intitulé chez nous “Les Loubards” (un titre aussi idiot que réducteur !). Devant la caméra incisive de la future réalisatrice de "Wayne's World", c'est la désespérance et le déclassement social dans ce qu’il a de plus crasseux qui se dévoile au spectateur par le biais d’un prologue des plus choquants. Alors que des chiens errants font régner la terreur dans la périphérie la plus pauvre de Los Angeles, nous faisons la connaissance du jeune Evan Johnson (Bill Coyne). Celui-ci, issu d’une famille dysfonctionnelle, fait une fugue pour - par un concours de circonstances - trouver refuge dans un squat où vit une bande de punks. Son petit frère le rejoindra bientôt. Ce microcosme - avec ses règles et sa hiérarchie - va devenir pour la fratrie, une famille sur laquelle ils pourront compter. Au contact de ces ados et jeunes adultes aux parcours hétéroclites évoluant en marge de la société, Penelope Spheeris dresse un portrait au vitriol de l'Amérique reaganienne dans ce qu'elle a de plus inégalitaire. Tandis que des milices urbaines se forment pour pallier la faillite d’un Etat en tout point défaillant, les confrontations entre les punks et ces brigades citoyennes se font de plus en plus fréquentes. La gentrification se met en marche avec son lot de violences et d’injustices. Pour paraphraser la chanson culte des Inconnus : “La banlieue c’est pas rose, la banlieue c’est morose”, le film de Penelope Spheeris - du haut de ses trois décennies - n’a rien perdu de sa force dénonciatrice, bien au contraire. Agrémenté par de vrais morceaux de concerts où les pogos s'enchaînent comme autant d’expressions d’une appartenance à part “Suburbia” immortalise la contre-culture Punk des eighties comme un pare-feu à l'establishment.