Drame du dénuement
Si la période la plus remarquable de Kaneto Shindô se situe dans les années 60, avec notamment L'ile nue et Onibaba, ses films de la décennie précédente, moins connus, ne sont pas à négliger. Loup...
le 22 juin 2023
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Menacés de licenciement, cinq employés (trois hommes et deux femmes) d'une compagnie d'assurance ont pour projet de braquer un transport d'argent postal. Leur méfait leur vaut d'être surnommés par la presse Les loups.
Disparu en 2012 à l'âge de 100 ans, Kaneto Shindo a eu une carrière considérable, longue sept décennies, et dont le sommet sera L'ile nue, un chef d'oeuvre. De ce fait, le reste de sa filmographie est davantage méconnu (on peut parler de Silence ou Onibaba), comme Okami, sorti en 1955, et qui est à la fois un film de casse, et surtout une radiographie du Japon d'après-guerre fort poignant. Car sur plus de deux heures, on connaitra parfaitement l'histoire et le destin de ce groupe, uni pour faire face aux difficultés, et elles sont nombreuses, aussi bien personnelles que professionnelles. Les deux femmes sont veuves de guerre et devant élever seules leurs enfants, tandis que l'un d'entre eux a une maladie au visage qui doit être soigné, faute de moyens. Les trois hommes sont eux aussi marqués, l'un ayant été licencié pour avoir été syndiqué, l'autre blessé à son ancien travail, et le dernier subit les brimades de sa femme, qui n'attend qu'une rentrée d'argent de sa part pour divorcer.
Le film est clairement coupé en deux parties. La première concerne l'entrée de ces nouveaux employés dans une compagnie d'assurances, qui les paie au lance-pierres, mais en plus leur alloue des objectifs commerciaux irréalisables dans un pays encore exsangue, où la pauvreté est partout, afin de garder leur travail. Sous couvert d'un repas d'accueil, on voit bien la dureté de l'emploi à exploiter jusqu'à la dernière goutte de sang des gens qui n'ont déjà pas d'argent pour survivre : alors, contracter une assurance-vie est sans nul doute le dernier de leurs soucis.
C'est un monde d'une grande dureté que nous montre Kaneto Shindo, où le mot espoir semble banni du dictionnaire, y compris après le casse, où chacun rentre avec une coquette somme d'argent, mais il y a désormais la peur d'être arrêté et la suspicion qui vont s'insérer dans leurs vies, jusqu'à un final on peut le dire tragique.
L'interprétation est remarquable, en particulier celle de Nobuko Otowa, qui joue la maman veuve d'un fils blessé au visage, à l'histoire tragique (son mari soldat s'est fait tabasser à mort par un officier juste parce qu'il avait oublié de le saluer), mais l'émotion est palpable, y compris quand elle va trouver un homme à qui se confier. Le noir et blanc charbonneux ajoute aussi au tragique de l'histoire, mais d'une manière générale, Les loups pourrait être aujourd'hui une radiographie de ce qu'aurait été le Japon en 1955. Un pays qui a du mal à relever la tête dix ans après la fin de la guerre, les populations pauvres qui n'en finissent plus de s'enfoncer la misère et à garder un semblant de dignité, et cela fait vraiment mal au cœur. Car on voit bien l'amateurisme du braquage, fait dans l'énergie du désespoir, mais quel en sont les conséquences ?
Tout est dit dans ce film vraiment poignant, formidable, je dirais même bouleversant, où rien ne nous est épargné, mais c'est la force des grandes œuvres.
Créée
le 29 août 2022
Modifiée
le 29 août 2022
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