Jeu de massacre en costumes.

Attention, ce film de yakuza se passe dans le Japon des années 1920, donc ne vous attendez pas à voir des films habillés comme Scarface. Ici les jeunes femmes portent des kimonos, les hommes des habits traditionnels, la plus grande fantaisie étant une paire de lunettes fumées. De même, l'environnement est bien davantage rural qu'urbain : on se situe près d'une baie, avec des carcasses de bateaux en bois, et on verra surtout des tripots, des résidences luxueuses ou des temples, mais dans un contexte de Japon traditionnel.

Le scénario, assez compliqué, d'autant qu'il y a des dialogues secs, est au fonds un jeu de massacre entre deux groupes de yakuzas, le Kannongumi et l'Enoki-ya, qui veulent faire une paix fragile par un mariage mal engagé, alors que des hommes durs sortent de prison mais trouvent un univers changé. Au fonds l'image des yakuzas est assez pitoyable : ils sont manipulés par les partis politiques qui tirent profit d'eux.

Cinématrographiquement parlant c'est intéressant et original. Comme dans Hitokiri, on se retrouve au bord de la mer, dans des cabanes miteuses, avec de beaux couchers de soleil. Il y a des plans très composés, opposant des objets au premier plan et des personnages vus de loin. Certaines compositions évoquent des tableaux, comme le couple réfugié contre une poupe de bateau.

On retrouve des combats de sabre brutaux et dynamiques (dans un cinéma), mais pas magnifiés : ils consistent souvent à faire une clé de bras ou un bras de fer avec son adversaire, et les bruitages, les expressions corporelles sont surtout là pour montrer une souffrance intense.

Le film dramatise autant qu'il peu le scénario, avec un côté hiératique et intense qui rappelle le théâtre No (avec le thème du double suicide des amants). Les trognes des acteurs sont tordues, ravagées (à l'excès de mon point de vue). Certaines scènes sont très elliptiques, d'autres sont dilatées sans que l'on sache bien pourquoi. La narration est déroutante, on ne sait pas toujours si tel extrait est un flashback, une projection ou autre. Le film aurait peut-être gagné à un peu moins tenter de choses. La bande-son est hétéroclite, allant du jazz des années 1960 à de la musique atonale ou traditionnelle. La reconstitution en revanche est touchante, et les scènes de foule sont réussies (bizarre, cette fête estivale où l'on crie "Ha ça ira !".

J'ai trouvé Les loups intéressants, mais c'est un film dans lequel il est difficile d'entrer et qu'il faut regarder au moins une deuxième fois pour bien se l'approprier.

Synopsis

Début des années 1920. Deux familles de yakuza, le Kannongumi et l'Enoki-ya se disputent un projet immobilier. Le Kannongumi allume la mèche à coups de dynamite. Bain de sang. Les responsables sont mis en prison. Ils sortent à l'occasion de l'arrivée au pouvoir d'Hiro-Hito. Les deux familles souhaitent souder leur lien par un mariage, mais la fiancée attend son amour de jeunesse, Tsutomu. Cela risque de ramener la guerre.