La création des Magnétiques part d'une envie de produire quelque chose collectivement. Vincent Maël Cardona a pris divers scénaristes autour de lui avec la particularité qu'ils soient tous nés au début des 80's (tout comme lui). Un film sur cette période fait par des gens qui ont connu cette période. Mais attention, ici pas de délire nostalgique avec dix mille films et musiques cités sur 1h38, ni question de dire que c'était mieux avant en mode coup de coude. Les Magnétiques se présente davantage comme une capsule temporelle évoquant un temps révolu, mais pas si éloignée avec ses changements politiques (l'élection de François Mitterrand et la fin progressive de la Guerre Froide), sa musique (avec des références connues comme Joy Division, comme beaucoup moins) et un contexte social toujours aussi évident.
Ainsi, les héros du film sont des gens habitant un coin paumé de France. Les principaux centres d'intérêt sont le coiffeur, le garage et le bar du village. A eux se rajoutent les deux frères à la tête d'une radio pirate (Thimotée Robart et Joseph Olivennes) et dont l'émission est diffusé le dimanche. Il n'y a pas d'évolution possible et le seul moyen de s'en sortir est de partir. Contraint ou non.
Le héros en fera la première expérience en devant faire son service militaire à Berlin alors en pleine scission. Tel un périple initiatique, Les Magnétiques montre un jeune homme confronté à un dilemme : soit il continue sur la voie entreprise à Berlin avec l'envie de nouveautés (des personnes rencontrées, une perspective de changement) ; soit il reste là où il est, s'enfermant dans un monde aussi isolé que familier, mais sans avenir à l'image de son frère.
Philippe découvre un monde que son frère ne connaîtra jamais, rendant le film terriblement mélancolique. La voix-off de Philippe n'en devient que plus logique, un message personnel doublé d'une évolution symbolique (c'est lui qui parle au micro désormais, alors qu'avant il était l'homme de l'ombre).
Autre personne perdue que le personnage de Marie Colomb, débarquant dans un coin où elle n'a personne en attendant le changement. Une fille partagée entre la perspective d'autre chose (l'évocation de monter sur Paris, son intérêt pour Philippe) et une stabilité improbable (un métier de coiffeuse et en couple avec un homme à la dérive qui ne croit plus en grand chose). Chacun devra faire des choix, souvent dans la douleur, devant faire le deuil de beaucoup de choses.
La scène d'amour du film rejoint facilement celle d'A l'abordage (Guillaume Brac, 2020) comme une des plus belles vues récemment au cinéma, jouant habillement des lumières d'une voiture, là encore dans un coin totalement improbable. De même, les scènes de mix sont rares mais incroyablement addictives et fascinantes.
Muni d'un beau casting, Les Magnétiques est un beau film convoquant le passé pour évoquer des sujets toujours actuels comme la ville devenant un Eldorado à découvrir tôt ou tard, la peur de se brûler les ailes en laissant tout derrière soi ou celle de rester dans l'immobilisme. Un premier film réussi de plus pour le cinéma français cette année.