Le nouveau film de Christophe Honoré, premier à mon actif, est un beau bol d'air frais qui se démarque de beaucoup de films du genre bien trop académiques. Une folie artistique transparaît dès l'ouverture avec beaucoup de plaisir et de bonheur à l'écran avec des chansons, des animaux animés, du rêve western, ... L'ensemble est délicatement encadré par une image au ratio 4/3 qui vient rapprocher judicieusement le spectateur de l'action, une idée qui se confirme à plusieurs reprises quand le quatrième mur est franchi.
Les malheurs de Sophie perturbe. En effet pour compléter ce qui a été écrit plus haut, le long-métrage ne répond pas à une structure narrative classique où les enjeux seraient clairement définis. Ce qui est remarquable c'est que le film construit cette narration au gré des humeurs et de la spontanéité de la petite effrontée qu'est Sophie. En résulte un film pas comme les autres qui se permet des envolées lyriques surprenantes et exaltantes.
Pourtant, dès le départ Sophie est une petite peste pourrie gâtée, elle peut être cruelle et tête à claques. Alors, comment tomber sous le charme de ses aventures sans avoir l'envie de lui faire un "Zidane 2006" ? C'est en sondant l'univers qui l'entoure, les interactions avec sa famille que l'on découvre une tout autre gamine. Sophie est un enfant en manque d'affection qui très vite va devoir grandir suite à un évènement inattendu. Ainsi sa façon malicieuse d'affronter les différentes épreuves de la vie sont très touchantes, les émotions ressenties sont particulièrement sincères et désarmantes.
Pour rendre ce personnage emphatique il fallait compter sur une actrice en phase avec ce dernier. Et grâce à la radieuse Caroline Grant, première apparition à l'écran, le pari est parfaitement rempli. Cette gosse est incroyable à plus d'un titre tant elle semble avoir saisi toute l'essence de Sophie de Réan dans cette campagne française de XIX siècle sous le Second Empire. Les autres gamins se debrouillent également très bien, même si la dernière qui apparaît à l'écran est dans le sur-jeu total.
Pour ce qui est de la distribution adulte, le récit nous offre dans un premier temps le charme mélancolique de Golshifteh Farahani. Une Anaïs Demoustier plus en retenue et une Muriel Robin étonnement crédible complètent l'ensemble.
Maintenant, bien que le charme opère sur ma personne, je ne sais pas vraiment si je peux conseiller le film. Les malheurs de Sophie déconstruit un genre "film d'époque" bien trop balisé, il sera bien trop déroutant pour certains. Cependant, avec un peu d'ouverture d'esprit et une volonté d'explorer plus que la surface des choses les plus grands pourraient y trouver un intérêt. Le double sens de lecture est en effet ici originalement mis en image.
Christophe Honoré, je ne connaissais pas ton univers. Le cinéma ne sert pas uniquement à raconter des histoires, mais aussi à les faire vivre. Pour cette belle reconstitution, pour cette belle réalisation au charme désuet assumé et ce moment de vie vivifiant, merci.