On aurait pu attendre de George Clooney (réalisateur), dont on connait l'engagement politique démocrate, un film engagé sur la politique de son pays, peut-être sans nuance. On aurait pu attendre aussi une analyse précise et brillante des relations politiques en temps de campagne électorale, des jeux de manipulations et les bâtons dans les roues mis par les uns pour contrer les autres, un film à charge mais avec classe à la façon de l'excellent Good Night, and Good Luck.
Les Marches du Pouvoir, penche (heureusement) du côté de la deuxième proposition, tout en faisant finalement la part belle à la fiction et, in fine, au divertissement.
Son film, aux allures progressives de film d'espionnage politique de bonne facture comme savent si bien le faire les américains, n'atteint pas la qualité de son film précédemment nommé, la faute à une mise en scène un peu prétentieuse, et une volonté de complexification inutile du récit, voulant dire de manière compliquée ce qui n'est, précisément, pas si compliqué à comprendre.
L'intelligence de Clooney est pourtant flagrante car, en prenant le parti démocrate qu'il défend, à la vie comme à l'écran, ouvertement, comme objet d'étude, ce n'est pas pour le glorifier ou en analyser le programme progressiste, mais pour ouvrir sur une vision globale de la politique américaine dans son ensemble comme une suite sans fins de trahisons, de coups bas, de pressions médiatiques et judiciaires, de manipulation la plus crasse, où chacun vend son âme pour parvenir à ses fins personnelles, et où les "purs", pour qui la politique est une conviction et un combat plus qu'une carrière, sont finalement punis. Son intelligence vient également du fait que, comme souvent lorsqu'il passe derrière la caméra, Clooney ne se donne pas, ni le rôle principal, ni un rôle de bon. Particulièrement odieux derrière son sourire Colgate, il est convaincant en politicard qui se voit déjà président de la première puissance mondiale.
Le rôle principal, c'est en effet à Ryan Gosling, qui avec Drive et Crazy, Stupid, Love, sortis la même année, prouve par ce rôle qu'il est (et, à l'époque, allait devenir) l'un des acteurs les plus intéressants de sa génération.
Ce duo (au sex appeal explosif, relevons-le tout de même), bien soutenu par de solides seconds rôles (l'éternellement brillant Philip Seymour Hoffman, et les solides Marisa Tomei et Paul Giamatti, entre autres) fait mouche à l'écran, notamment lors d'une scène centrale de face à face réussie.
Les Marches du Pouvoir, par son pessimisme et son efficacité, est un pari réussi pour Clooney, qui parvient à démontrer qu'il est un bon réalisateur.