Extra, ce film de Henry Hathaway réalisé en 1949 !
Un vieux capitaine de bateau-baleinier veut reprendre une dernière fois le commandement du bateau car il estime avoir une dernière mission vis-à-vis de son petit-fils, enfant orphelin au seuil de l'adolescence confié à ses soins et qui a déjà fait quelques campagnes comme mousse.
Se rendant bien compte qu'il n'est pas capable de lui apporter la formation de base, il confie la partie scolaire à son second en qui l'enfant va reconnaître peu à peu l'autorité d'un père.
Bien sûr ce film rappelle l'immense "Capitaines Courageux" de Victor Fleming de 1937avec Spencer Tracy mais la tonalité générale est notablement différente et plus complexe aussi. En particulier, au niveau des relations croisées Capitaine/Second/petit-fils où apparaissent des sentiments de frustration ou de jalousie. Des scènes extrêmement tendues et palpitantes (pour le spectateur) où sont mises en évidence les écarts ou contradictions (apparentes) qui peuvent exister entre la règle ou la réglementation et la simple humanité.
La mise en scène des "Marins de l'Orgueilleux" fait place à de splendides scènes d'harponnage de baleines ou du canot égaré en plein brouillard mais surtout le clou du spectacle, la rencontre du bateau avec un iceberg ... et l'héroïsme qui va avec.
Le casting est aussi de qualité exceptionnelle.
Le vieux capitaine, c'est l'inusable Lionel Barrimore dont, à 70 ans, c'est un des derniers films. Il est dit qu'il ne se déplaçait plus qu'en fauteuil roulant depuis quelques années et ici, dans le film on le voit se trainer avec des béquilles. Autant dire qu'il fait plus que crédible en vieux loup de mer dont il sera dit sur le carnet de bord
lorsqu'il mourra, "born on this vessel, died on this vessel". En effet, il est né sur ce même bateau pendant le voyage de noces de ses parents, dont le père était déjà capitaine ...
Ainsi le navire "l'Orgueilleux" ou "the Pride of Bedford" est sa chose et son autorité ne fait aucun doute chez les marins.
Un peu d'humour chez ce vieux loup de mer qui "triche" en vérifiant dans le dico les mots "savants" qu'il entend chez son second et dont il apprend les définitions par cœur pour "paraître" encore à la hauteur … Emouvant et impressionnant.
Le second, c'est Richard Widmark, jeune encore à 35 ans, formé à l'école et plein de connaissances théoriques, s'estime heureux de profiter de l'expérience du vieux capitaine qui, lui, n'a pas dû fréquenter l'école longtemps …
Son jeu, classique chez beaucoup de ses rôles est plutôt en retenue. Il fera preuve dans le film d'un bel humanisme derrière une apparente dureté.
L'enfant, c'est Dean Stockwell, a treize ans lorsqu'il joue le rôle. On sent d'ailleurs qu'il a l'expérience du jeu d'acteurs car il en est à son douzième ou treizième long métrage. Son jeu consiste à montrer l'évolution pendant le film entre la matière brute du départ et la matière un peu plus "éduquée" à la fin. Dans ce laps de temps, il est confronté à des situations pendant lesquelles il apprend - à la dure - la vie de matelot mais aussi la vie d'homme.
Au passage, cet acteur continuera sa carrière au cinéma puisqu'on le verra sous les traits de Walt dans le beau film "Paris Texas" de Wim Wenders en 1984 …
Au delà des qualités évidentes de la mise en scène, des fortes images maritimes même si probablement elles ont été faites en studio pour la plupart, ce film est très beau et se regarde avec beaucoup de plaisir.
Il n'y a rien de plus beau que de montrer la difficulté de l'apprentissage (de la vie) mais surtout à voir la tendresse et l'émotion sourdre du vieux loup de mer face à l'enfant. Même s'il est interdit par le règlement de montrer une larme même furtive.