Les meilleures intentions sont le titre dont fait usage le réalisateur de Pelle le conquérant pour faire écho au snobisme bourgeois en Suède au début du XXème siècle. Et ce décor n’est pas choisi au hasard puisqu’Ingmar Bergman s’y glisse en tant que scénariste : l’histoire n’est nulle autre que celle de ses parents, qu’il a voulu conter longtemps après son retrait volontaire du septième art.
Ce drame épico-romantique se pique un tantinet du snobisme dont il prétend faire retentir l’inadmissibilité comme justification de l’art par la révolte. Ce n’est pas dans le thème, mais c’est de cela qu’il s’agit : un film de trois heures, avec des acteurs d’un autre temps qui sont à la hauteur de chacune de leurs scènes (on a d’ailleurs l’impression d’avoir affaire à un casting dont la force est celle des Soviétiques quand ils touchent à l’époque tsariste)… Bref, ce n’est jamais autre chose qu’un grand coup qu’on veut porter… pas seulement au cinéma.
Alors – possible conséquence de ce que Bergman a dû faire un peu de généalogie et de reconstruction – les circonstances sont un peu bâclées. On ne comprend pas aisément le lyrisme mutique des grands sentiments réfrigérés par le pasteur et sa femme dans le Nord de la Suède ; si le froid conserve, il rend plutôt cassantes les transitions.
Toutefois, le couple est trop magnifique, fruit nordique d’un Roméo et Juliette naturaliste – Rouslan et Ludmilla sans le faste – qui emporte tout sur son passage, ses houles et ses réconciliations à la fois tellement fortes et placées avec si peu d’attrait proprement scénaristique qu’on ne peut que louer la boîte à outils émotionnelle dont Bergman semble faire usage nonchalamment. Mais n’est-ce pas comme ça qu’il a toujours réalisé ?
Quantième Art