On ne saurait trop remercier la société de distribution Eurozoom d’avoir permis la redécouverte de la trilogie Animerama de Mushi Production, tant ces films, conçus en plein battant de la révolution sexuelle nous paraissent encore de nos jours terriblement d’actualité. Le premier d’entre eux, Les Mille et une Nuits, écrit et produit par un Ozamu Tezuka désireux de sortir de son image de mangaka pour enfants reste dans les annales pour être le premier film d’animation érotique japonais.
Librement (très librement) inspirés des contes du même nom, Les Mille et une Nuits mettent en scène les péripéties d’Aldin, fusion des héros les plus connu du récit (Aladin, Sinbad, Ali Baba). On retrouve l’ensemble des éléments marquant des contes persans (tapis volant, méchant vizir, génie, géant, roc, « Sésame, ouvre-toi », etc), auxquels s’ajoutent d’autres mythes comme celui de Mélusine, de la Tour de Babel et même d’Œdipe.
A des années-lumières de l’infantilisme de Disney, Tezuka et son réalisateur Yamamoto livrent un récit tout en ambiguïté brossant un portrait bien nuancé de leur héros. Aldin, par ailleurs affublé des traits du Belmondo d’A Bout de Souffle (si, si !) est personnage libertaire et désireux d’absolu qui passera du stade du personnage du vagabond rusé à la charlot à celui de tyran ubuesque, avant la chute finale.
On peut regretter quelques faiblesses scénaristiques : des deus ex machina un peu trop téléphonés, des raccourcis, des personnages pas assez exploités (notamment parmi les femmes), ou encore un surplus d’intrigues entremêlés.
Néanmoins le film frappe toujours les esprits notamment par sa critique d’un pouvoir masculin corrupteur opprimant la gente féminine, thème que Yamamoto explorera de façon plus concise dans son futur Belladonna. Une scène frappe : le viol de Madia, la fille du chef des voleurs, tout en douleur et en retenu, suivi de son retentissant appel à la vengeance. Relativisons cependant le qualificatif de « féministe » pour le film, ce dernier ayant quand même été conçu pour émoustiller principalement le spectateur masculin.
Enfin, Les Mille et une Nuits reste un incommensurable festival visuel en droite ligne du western spaghetti, regorgeant de trouvailles et d’expérimentations comme le mélange animation/prises de vue réelles ou le recours aux images peintes et inanimées sans parler des nombreuses scènes érotiques aussi hallucinées que psychédéliques.
21 ans avant Otomo et son Akira, 3 ans avant Fritz the Cat, Les Mille et une Nuits reste comme cette figure de l’ombre, ce soldat d’avant-garde ayant contribué à avoir fait passer le cinéma d’animation dans l’âge adulte. Un beau jalon pour marquer symboliquement cette année 1969, définitivement année érotique.