Trois parties bien distinctes dans ce film. D'abord, le générique de début, sur fond de communion nationale autour de la victoire de l'équipe nationale de foot en 2018. Le coup du black-blanc-beur qui avait si bien marché en 1998. Autre temps, autres mœurs. Ensuite, une journée (ordinaire) à Montfermeil, dont on découvre ainsi la population, son cadre de vie et la manière dont l'ordre républicain y est maintenu. Enfin, un final, scotchant, saisissant, qu'il serait malséant d'exposer ici, tant c'est ce final qui file la grosse claque que plusieurs chroniqueurs sur ce site n'ont pas manqué de relever. Et, entre la seconde et la troisième partie, un très bref intermède de retour à la normalité de la vie quotidienne.


S'il n'y avait pas ce final, ce film ne serait finalement qu'une chronique de plus de la vie de ces quartiers auxquels les médias se complaisent à accoler l'adjectif sensible. Un peu comme, pour ne citer qu'eux, "Bande de filles" ou "La vie scolaire". C'est toujours me semble-t-il assez bien montré, et plus ou moins humaniste dans le propos. Là, c'est pareil, bien que l'on situe dans la partie de basse de la fourchette de l'humanisme. On découvre ainsi le quartier, avec ses gamins, ses notables, ses rapports sociaux. La violence de ses rapports sociaux, qui n'est finalement guère plus prononcée que dans des milieux plus huppés, même si elle s'exprime ici de façon, disons moins policée. Trafiquants, caïds, religion et flics, tout ça est exposé sans fard, ni manichéisme d'ailleurs. Tiens, tiens, d'ailleurs, on relève que, de tous les pouvoirs installés dans le secteur, ce sont - et de loin - les adeptes de l'Islam qui se montrent les plus respectueux envers leurs semblables et les plus sages. Les plus malins, peut-être, non ?


Il va quand même me falloir parler de la police de l'état français, maintenant. On est très vite dans le bain, avec une scène formidable au commissariat de Montfermeil, au cours de laquelle Jeanne Balibar fait une apparition brève, mais remarquée. La police, ici, c'est la BAC (Brigade Anti-Criminalité). Remise au goût du jour par Sarkozy à l'époque de sa célèbre déclaration à propos du karcher. Et qui s'est illustrée cette dernière année par des exactions répétées lors des manifestations intervenues dans le cadre du mouvement des gilets jaunes. Vous savez, ces flics casqués, mais en civil, qui trainent dans les rues adjacentes aux manifs. Une BAC qui sévit dans les quartiers, sensibles donc, depuis maintenant quinze à vingt ans, utilisant, comme la France entière l'a découvert récemment, des armes de guerre : lanceurs de balles de défense et grenades de désencerclement. Grosso modo, une unité dédiée à la répression des couches sociales les moins favorisées, dès lors que ces dernières sortent un peu trop du cadre dit républicain.


Le film est intelligent au sens où il accompagne la brigade de jour de la BAC de Montfermeil dans sa journée de travail. Composée de trois hommes, cette brigade dispose d'un échantillon assez diversifié et sans doute représentatif d'agent : l'abruti de service, pas méchant et dont le mérite principal est d'être issu du quartier, le petit roquet raciste tendance nettement facho et, enfin, fraichement débarqué de sa province, le bon flic, respectueux des personnes et des procédures. Une journée comme une autre, sur laquelle va venir soudain se greffer une histoire invraisemblable de lionceau volé dans un cirque, et, paf, tout s'emballe, ça tourne mal et c'est la bavure ! Sans aucune malveillance de la part des flics, d'ailleurs, c'est juste qu'ils sont sous tension et totalement dépassés par la situation.


Et puis arrive cette dernière partie, sans qu'on s'y attende véritablement, qui déferle dans toute sa noire et rédemptrice splendeur vengeresse. Magnifiquement filmée, dans un cadre extraordinaire, sans doute une des plus belles séquences qu'il m'ait été donné de voir au cinéma ces dernières années...

Marcus31
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le 21 déc. 2019

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