Qu'on ne s'imagine pas une vie de Jean Valjean. Si, à un certain moment du film, Lelouch met en scène quelques passages directement tirés de l'oeuvre de Victor Hugo, le film est pour l'essentiel l'histoire d'Henri Fortin, né à la fin du siècle et qui sera confronté au cours de la seconde guerre mondiale aux grands choix moraux de l'existence. Comme Valjean, Fortin-Belmondo a la volonté de racheter ses fautes et, au terme de cette période trouble qu'est l'Occupation où le choix entre le bien et le mal est souvent une affaire de circonstances, il entrevoit son devoir d'humain. Le film parle de l'ambivalence des hommes.
Le film n'est pas une transposition moderne des "Misérables" d'Hugo. Lelouch fait invariablement référence au roman, imagine des similitudes dans le seul but de créer ses propres misérables, ceux du 20ème siècle, tant il est vrai que chaque époque -c'est la finalité du propos- a ses malheureux. Le drame de la guerre est là pour le prouver, où le destin de Fortin est lié à celui à celui
d'une famille juive en fuite,
thème récurrent du cinéaste.
Lelouch réussit encore l'exploit de rester cohérent malgré une mise en scène dispersée et la profusion des personnages, dont beaucoup, on l'aura compris, suggèrent ceux du roman éponyme. Cependant, le métier et l'art consommé de Lelouch, propices à un film riche et brillant, sont incapables ici, comme si les artifices de la mise en scène étaient trop évidents, de faire naitre la moindre émotion. C'est la grande et rédhibitoire faiblesse du film.