Avant que la nuit ne tombe.
"Les Moissons du ciel", second film du réalisateur Terrence Malick, se présente comme une ode à la quête du bonheur, racontée avec une lumière crépusculaire et un lyrisme poétique.
Une nouvelle fois nous sommes ici dans un cinéma de l'image bien plus que des mots, d'ailleurs il est assez étrange de constater qu'il s'agit probablement du film le plus silencieux du réalisateur malgré la composition splendide d'Ennio Morricone et la narration de la jeune Linda Manz. Terrence Malick raconte ici l'histoire d'un couple, Abby et Bill, dont l'amour n'est plus que le seul moteur, ces deux personnages qui vont de ville en ville en quête de jours meilleurs, vont finalement prendre la décision la plus improbable qu'aurait pu leur dicter leur existence. En accord avec celui qu'elle aime, mais avec qui elle se fait passer pour frère et soeur, Abby va céder aux avances du fermier qui les a embauchés pour les moissons. L'homme atteint d'une maladie incurable, ne sera plus présent bien longtemps, Abby et Bill voient ici enfin poindre une chance d'atteindre ce bonheur qu'ils cherchent depuis longtemps.
Comme c'était le cas dans "La Balade Sauvage", Malick ne porte pas de jugement sur les actions de ces deux protagonistes. Son cinéma étant dépourvu de manichéisme, il dépeint de la manière la plus belle qui soit, deux protagonistes un peu naïfs mais sincères, beaux dans leur misère, et auxquels ont pardonne finalement leurs choix. Car c'est grâce à un accord parfait entre la forme et le fond, que le cinéaste parvient à retranscrire à l'écran l'émotion et les sentiments des personnages, renvoyés ici à l'universalité d'une condition humaine. Le spectateur peut quant à lui admirer cet ensemble à travers des plans de caméra d'une beauté saisissante, nous ramenant sans cesse à ce qui deviendra à partir de ce film, la notion de l'infiniment grand face à l’infiniment petit, récurrente dans le cinéma de Terrence Malick, l'un des rares cinéaste qui sait filmer la grâce en lui donnant une aura éternelle.
Car que sont finalement les désirs des hommes face à ce grand spectacle quotidien qu'est la vie ? Dans ce film tout est beau, de la naissance d'un amour qui vient trahir une autre relation, renvoyé finalement à la simple image (dans le film), d'une graine qui pousse pour donner un brin, puis une plante. Symbole naïf mais efficace, que chaque être peut sans cesse s'élever et dépasser sa propre condition, afin d'atteindre le bonheur, le divin ou bien encore tout simplement une forme de destiné.
Envoûtant, poétique, beau, tendre, puissant dans sa pudeur et sa simplicité, Terrence Malick signe ici son premier chef-d’œuvre et assurément l'un de ses meilleurs films, et accessoirement l'un des plus beaux que le cinéma n'ai jamais portés.