Martin Fellman, bourgeois de Vienne, mène une vie conventionnelle entre son laboratoire de chimiste et sa maisonnée dirigée par son épouse. Le meurtre au rasoir d'une voisine bouleverse son existence. Martin ne peut plus voir un couteau sans horreur. Pourquoi est-il tenté d'égorger sa femme, qu'il aime plus que tout ? Le cousin Erich annonce sa venue après des années d'exploration en Asie. Pourquoi Martin est-il partagé entre la joie (c'est son meilleur ami) et la haine ?


Répondre à ces questions serait priver les spectateurs de la joie de la découverte. Ce film muet, film psychanalytique précise son réalisateur, est une réussite narrative et formelle. La lutte de notre bourgeois pour ne pas trucider sa femme est émouvante. Nos vies croisent sans cesse couteaux et lames de rasoir, ce qui soumet Martin à une torture à répétition.


Les cauchemars prennent le contrôle de son cerveau. Pabst déploie des scènes spectaculaires, kaléidoscopes d'images dynamiques parcourant les labyrinthes obscurs de la vie psychique. Des trains où le cousin en tenue coloniale fait signe, foncent vers lui à toute vapeur. Une lettre annonce son arrivée chez les Fellman : Martin la déchire de rage. Comme une ville italienne sort de terre, il grimpe à toute allure l'escalier en colimaçon d'une tour, où les cloches sonnent son déshonneur...


Hors d'haleine, Martin se réveille en sursaut. Comment ne pas devenir criminel ? Il se réfugie chez sa mère qui lui conseille de voir un médecin. Une cure psychanalytique commence comme une aventure de l'esprit. Il doit revivre les épisodes de ses cauchemars : ombres chinoises d'un meurtre au rasoir, son procès où sa femme témoigne au son des tambours, adieux de sa femme avec Erich et un enfant, projection en l'air sous la menace d'un fusil... Il doit examiner ses traumatismes récents qui ont réactivés des blocages anciens. Il plonge dans des souvenirs d'enfance profondément enfouis dans sa mémoire.


Cette transposition d'une cure psychanalytique au cinéma est une gageure en 1926. La parole, arme majeure de l'analyste, manque singulièrement dans un film muet ! "Encore un acte manqué !" diraient les esprits forts... Mais le cinéaste s'inspire d'un cas réel (un patient traité par Sigmund Freud) et deux psychanalystes participent au scénario. Le film est d'un rythme haletant, galope dans les scènes expressionnistes de rêves et maintient le suspens jusqu'à sa bourgeoise conclusion.

lionelbonhouvrier
8

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le 15 nov. 2019

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