Majastres, Alpes de Haute-Provence. « La seule gare de France avec une faute d’orthographe » nous précise le narrateur, qui n’est pas Moullet dans la voix, mais nous ne sommes pas dupes : c’est bien lui dans la plume. On apprend aussi que ce village est traversé par la départementale 17, qui n’est plus goudronnée au-delà. Ça commence donc comme les courts ethnographiques de Moullet, on s’attend à rencontres quelques malejactois, mais non, le cinéaste embraye et se paie le luxe de la fiction. Et Bouchitey & Amalric, entre autre.
Le récit s’amuse à faire chevaucher plusieurs histoires. Un pilote de rallye automobile en panne ; le tournage d’un film entre les rochers ; une dépanneuse embourbée ; un couple d’astrophysiciens en crise ; des randonneurs pédestres ; un convoi militaire à la poursuite de Saddam Hussein (En effet, l’action se déroule en janvier 1991). Et tout ce petit monde se croise plus ou moins, dans ce que Moullet surnomme « Le coin le plus paumé de France ». Plutôt moins que plus, d’ailleurs.
« A ce train-là je pourrais même pas voir la guerre du golfe à la télé ce soir » lâche un moment Bouchitey qui campe cet immonde coureur automobile égocentrique et macho qui martyrise sa co-pilote. Il est donc génial. Presque aussi génial que ce drôle de berger qui pue le bouc mais qui couche avec toutes celles qui passent par sa ferme. Presque aussi génial que ce sergent-chef (Bouvet qui réitère son rôle de Taxi2 grosso modo) en plein psychose sur la possibilité de rencontres des troupes irakiennes.
Il y a de grosses lourdeurs. Mais il y a une volonté fidèle de filmer les lieux, de s’embarquer dans des villages perdus, sentiers isolés, à flanc de falaise parfois. C’est aussi sa limite : Moullet ne prend pas vraiment le temps de les filmer comme, au hasard, le ferait un Guiraudie, auquel on pense beaucoup – et pas à l’avantage de Moullet – en préférant se petites touches comiques et l’aspect gentiment choral et bordélique de son petit délire anecdotique.