Ce film est l'un des plus monstrueux de l'histoire : sexualité racoleuse (au moins 40 actrices auront exhibé leur poitrine), thématiques sulfureuses comme la pédophilie, reconstitution particulièrement choquante des pires pratiques de l'esclavage, exposition de corps torturés et de théories nauséabondes... Ce film est cynique et vulgaire, mais pourtant il réussit à ne pas être moralement détestable.
Les Négriers se présente sous la forme d'un montage parallèle. D'un côté nous avons des images documentaires sur les mouvements contestataires contemporains aux États-Unis (les hippies et le Black Power) et de l'autre une espèce de docu-fiction sur l'esclavage au XIXe siècle.
Ce docu-fiction reconstitue la société du Vieux Sud à travers l'enquête de journalistes Italiens (en caméra subjective). Il nous présente tous les affres de l'esclavagisme (et j'espère quelques trucs rajoutés tellement ça paraît ignoble!) : la mortalité importante sur les bateaux, les "traitements" contre la maladie, les longues marches, les brimades, le commerce sexuel, les amputations, ... Les images sont particulièrement spectaculaires : malgré un certain déficit en scènes sanglantes je ne le recommande qu'aux estomacs bien accrochés.
Face à tous ces esclaves le portrait fait des Négriers est vraiment peu flatteur : cruels, hypocrites, queutards... leur âme est aussi belle que leur dentition!
En parallèle avec cette société inhumaine car déshumanisante Jacopetti et Prosperi nous montre une Amérique contemporaine extrémisée car elle n'a pas exorcisée ses démons. D'un côté les Sudistes profitent jusqu'à l'absurde de leur "patrimoine historique", par exemple en découpant des colonnes et en vendant 10 dollars le morceau! De l'autre des leaders noirs se sont érigés en prônant également le racisme.
Ainsi le film évite l'écueil du manichéisme primaire et raciste en montrant de temps à autre les excès du Black Power. Et dire que dans les commentaires d'une de mes critiques un type défendait encore ces fascistes!
A la fin nous voyons encore une reconstitution des crimes de Nat Turner, esclave révolté qui massacra des dizaines de blancs. La scène est insoutenable en raison de la mort d'un bébé fracassé contre un mur. Mais elle est très intéressante car elle est mise en abyme : nous avons le point de vue d'un noir lisant le récit de Nat Turner, confronté à des blancs chiants, risquant de péter les plombs et d'en tuer.

Au niveau de la réalisation, les images sont esthétiques malgré leur noirceur. Le récit fait penser à du Fellini en raison de son éclatement et de l'enjouement de ses acteurs. Le rythme est très alerte mais le film fait quand même 2h15. Il faut attendre un quart d'heure pour voir arriver le générique.
La musique catchy et ironique comme toujours de Riz Ortolani reste remarquable mais comme les mêmes thèmes sont réutilisés à intervalles réguliers il y a un aspect répétitif qui devient parfois pesant.

Oui ce film est racoleur et insoutenable mais il est bien moins dangereux et que par exemple Autant en emporte le vent qui sublimait en Technicolor ces mêmes pratiques infâmes. Surtout il réussit à éviter l'écueil du manichéisme crétin et fascisant à la Projet crocodiles. Rien que pour ça il reste remarquable.

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le 22 mars 2015

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Jibest

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