Nick Nolte et De Niro sont sur un bateau
Genre : Nanar scorsésien
Un an après Les Affranchis, Scorsese fait le grand écart. Il enchaîne l'une de ses meilleures œuvres et l'une de ses plus pourries en tournant Les Nerfs à vif, remake nanar, donc sympathique, du film éponyme réalisé en 1962 par J. Lee Thompson. D'ailleurs, la traduction littérale du titre anglais donne une vague idée de la piètre qualité de cette nouvelle version : Le Cap de la peur.
Cap sur la peur. Après quatorze ans derrière les barreaux, Max Cady est libéré. Lui qui ruminait, qui criait si fort justice qu'il se le tatouait sur le corps, va enfin pouvoir se venger de Sam Bowden (Nick Nolte), son avocat qu'il considère comme responsable de son emprisonnement. Aussitôt, Cady se met à harceler Nolte, sa femme et sa fille (Juliette Lewis), lentement mais sûrement, par petites touches, pour envahir progressivement leur vie quotidienne, tel un revenant, du supermarché au domicile familial.
Comme toujours chez Scorsese, il y a quelques plans impressionnants, comme cette croix, tatouée sur le dos de Max Cady, qui entre et sort du champ, au rythme des tractions du prisonnier. Pourtant, rien n'y fait. Le film, esthétiquement très marqué années 1980, a mal vieilli, à cause notamment d'effets pompeux qui confinent au ridicule. Il suffit de voir le ciel au-dessus de la maison des Bowden, tantôt orageux, tantôt rouge et mouvementé, tantôt parsemé d'étoiles, toujours moche.
Scorsese a engagé Robert Mitchum (pas mauvais) et Gregory Peck (un peu inutile) en hommage à la version originale, ainsi que son acteur fétiche pour, sans doute, l'un des rôles les plus débiles de sa carrière. De Niro interprète très sérieusement ce guignol psychopathe violeur aux chemises hawaïennes rouge sang sous palmiers noirs, coiffé d'une casquette probablement volée dans l'armoire du capitaine Haddock.
En théorie, la quasi-zombification de Cady au cours du film représente les dangers de son christianisme perverti, dénaturé par sa volonté de vengeance. En pratique, cela donne un personnage qui sort de prison, arrache avec ses dents une joue de femme, finit la gueule rougie et dégoulinante.
On admirera la jolie maquette de bateau qui se brise au fil de l'eau, provoquant de beaux vols planés de cascadeurs dans des décors brinquebalants. Brûlé au troisième degré, De Niro tombe à l'eau, revient, le visage en lambeaux, avant un ultime combat préhistorique au caillou – grossier symbole de régression – et, surtout, un jet de pierre en mousse à hurler de rire dans la face grimaçante de Nick Nolte.
Les Nerfs à vif, thriller boursouflé, est un mauvais Scorsese qui se laisse voir à double titre : pour l'angoisse qu'il génère de temps en temps, malgré un montage tape-à-l'œil, trop saccadé, des raccords d'un goût douteux et des zooms agressifs, et pour son final improbable.