Les Noces Rebelles : naufrage d'un mariage
Réunir Kate Winslet et Leonardo DiCaprio dans un film et réussir à faire oublier le couple légendaire de Titanic ? Mission hautement réussie pour Sam Mendes dans ses très belles Noces rebelles (2009). C’est un peu comme si Jack et Rose avaient survécu au naufrage du célèbre paquebot. Et après ? Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ? Pas si simple… Dans son film, Sam Mendes met en scène un jeune couple amoureux, remplis d’idéaux, mais très vite confrontés aux réalités de la vie quotidienne et du temps qui passe. Kate Winslet et DiCaprio sont magistraux, beaux, justes, émouvants, lâches, cruels… Habités. Inspirés !
A l’origine de ce film, un livre de Richard Yates, La Fenêtre panoramique (1961). Un roman à charge « contre cette soif générale de conformisme qui s’est emparée de tout le pays, contre ce désir de coller aveuglément et désespérément à la sécurité à tout prix » nous explique Yates. Et se plier aux conventions sociales, vivre comme tout le monde, c’est exactement ce que Frank et April Wheeler, jeune couple dans l’Amérique des années 50, ne veulent pas. Ils se pensent différents, supérieurs, promis à un destin plus grand, plus fou. Ils finissent pourtant par se marier, faire deux enfants, quitter New York pour un pavillon de banlieue, semblable à ceux de leurs voisins. Tandis que Frank est coincé dans un emploi qu’il méprise, April est devenue une simple femme au foyer. Les Wheeler sont tout simplement devenus un couple comme les autres. Refusant cette vie toute tracée, April propose à Frank de tout quitter pour aller vivre à Paris avec leurs enfants, comme ils en rêvaient plus jeunes.
Est-ce que les aspirations idéalistes propres à la jeunesse sont conciliables avec la vie de famille, les responsabilités d’adulte ? Est-ce une utopie de tout vouloir ? Doit-on forcément renoncer à ses rêves en vieillissant ? Ces questions sont au centre du film de Sam Mendes, qui ne se contente pas d’esquisser le sujet mais semble prendre position au travers du personnage d’April. Pour elle, qui aspire à une autre vie, tout n’est qu’une question de courage ; le courage de vivre selon ses propres désirs sans se soucier de ce que la société exige. Par opposition, Franck se cache derrière de faux prétextes, des responsabilités que personne ne lui demande d’assumer. Il invoque la raison et fait d’April une enfant inconsciente et irresponsable. Et alors qu’elle était tombée amoureuse de lui pour sa liberté, son indépendance, sa différence, elle va finir par le haïr pour ce qu’il est devenu. Un homme qui a peur. La peur de réaliser qu’il n’a rien de spécial, qu’aucun destin fantastique ne l’attend.
On ne peut s’empêcher de faire un parallèle entre Les Noces rebelles et American Beauty, premier film réalisé par Sam Mendes dix ans auparavant (1999). L’histoire d’un quadragénaire (Kevin Spacey), qui réalise qu’il est passé à côté de sa vie, qu’il n’est pas heureux. Malgré sa belle et grande maison en banlieue, son jardin et sa voiture, il prend conscience de la platitude de sa vie aux côtés d’une femme qui l’ennuie. April et Franck quinze ans plus tard ?