Années 50.April et Frank Wheeler forment un couple en apparence formidable et enviable.Ils se piquent d'originalité et pensent échapper au conformisme ambiant.Sauf qu'en réalité ça ne va pas si bien et que la crise conjugale couve et ne demande qu'à éclater.Pour rattraper le coup,ils décident de partir vivre à Paris mais c'est à ce moment précis que Frank obtient une promotion professionnelle inespérée.Le film est produit et réalisé par Sam Mendes,et ça se sent dans la mesure où le cinéaste était à l'origine metteur en scène de théâtre.C'est tiré d'un roman de Richard Yates mais ça aurait pu donner une pièce tant les scènes d'intérieur impliquant peu de personnages abondent,et tant tout passe par les dialogues.Par conséquent Mendes,ancien de la Royal Shakespeare Company s'il vous plait, retrouve ses vieux réflexes et introduit dans beaucoup de séquences un aspect théâtral qui contraint parfois les acteurs au surjeu,notamment lors des disputes conjugales.Sur le fond nous assistons à la chronique du délitement d'un couple qui s'est cru au-dessus des viles contingences matérielles et plus fort que le temps,plus fort que l'usure,plus fort que la vie en somme.Mais ça se passe rarement comme on le voudrait ou comme on l'a décidé,et les rêves ne sont pas forcément destinés à être vécus.Le titre original,"Revolutionary Road",le nom de la rue où habitent les Wheeler,prend ainsi un sens ironique dans la mesure où les époux se sont finalement englués dans la routine comme tout le monde."Quand tu sauras qu'on n'échappe jamais à rien" chante Capdevielle dans "Les rues jaunes".C'est exactement ça,April et Frank se sont englués dans la routine,ils se sont mariés,ont eu deux enfants,ils ont une jolie maison de banlieue,ils prennent l'apéro avec les voisins,la vie ordinaire qu'ils s'étaient juré d'éviter.Le fantasque Frank est devenu un modeste employé de bureau peu motivé qui prend son train quotidien,la flamboyante April a remballé ses ambitions d'actrice pour se transformer en desperate housewive dépressive.Et après tout pourquoi pas?La vie n'est pas une sorte de fête permanente où l'on accomplirait tous ses désirs et on peut très bien se contenter d'une existence tranquille comme le font la plupart des gens.Le problème est que Frank s'y est résigné et a même fini par apprécier cette existence minimale,alors qu'April refuse de renoncer à quelque chose de plus excitant.Viennent donc les engueulades,les scènes de ménage,les tromperies,le kit habituel,et c'est madame qui,pour relancer la machine,a cette idée de tout plaquer pour aller vivre à Paris.Monsieur est d'accord,jusqu'au moment où il a une occasion providentielle de s'élever professionnellement.L'un des deux va devoir céder,ce sera elle mais ça aura des conséquences tragiques.De toute façon partir n'aurait rien changé,le divorce était déjà dans les têtes.Les deux époux n'avaient plus la flamme des débuts ni les mêmes objectifs,ils étaient déjà vaincus sans en être vraiment conscients,malgré l'amour qu'ils se portaient encore.Une frémissante Kate Winslet et un Leonardo DiCaprio opaque portent remarquablement le film et sont entourés d'une belle bande de seconds couteaux peu présents mais judicieusement utilisés.Il y a là Dylan Baker en collègue de boulot jovial,David Harbour et Kathryn Hahn en amis envieux,Kathy Bates en agent immobilier intrusive,Zoe Kazan en secrétaire à la cuisse légère,Michael Shannon en mathématicien cinglé,Jay O. Sanders en patron pressant et le petit garçon des Wheeler n'est autre que Ty Simpkins,9 ans à l'époque,qui a commencé sa carrière à 4 ans et avait déjà joué avec Kate Winslet dans "Little children".On le reverra plus tard,et un peu plus grand,dans des grosses productions comme "Iron Man 3" ou "Jurassic World".