On m'avait conseillé de regarder ce film, en ajoutant "mais attention, pas un jour où tu ne te sens pas bien". J'ai compris pourquoi !
Bon, j'adore l'univers du film. Les années 40, leurs fringues, le cabaret, les représentations du "American dream" qui comprendrait maison en banlieue + job de standardiste... J'adore, c'est totalement mon élément. Et le duo "Kate et Léo" fonctionne toujours aussi bien. J'y ai retrouvé deux personnages avec une complexité profonde, une relation d'abord espiègle puis destructrice. J'ai particulièrement aimé les scènes du début, lorsque leur amour est jeune et qu'ils sont si complices qu'on se croirait devant de jeunes Rose et Jack.
Leur longue marche vers une fin sinistre est malgré tout prévisible dès le début, comme si tout était enclenché depuis leur emménagement. Immense contraste d'ailleurs entre la rencontre, dans une ambiance festive, de deux personnages joviaux, charismatiques et mystérieux à la fois, et leur vie quelques années plus tard, dans une petite maison au bout de "Revolutionary Road" (comme je l'ai lu dans une autre critique : quelle ironie...), deux enfants, April femme au foyer, et Frank qui occupe un emploi peu palpitant dans une banque. Cette vie qui n'a rien de mystérieux, rien de stimulant.
Puis ce projet "fou" de casser cette trame aliénante et vouée à rester inchangée pendant soixante ans et jusqu'au cercueil ; partir à Paris : ça, c'est revolutionary, mais ça ne passe pas auprès des collègues, des voisins, surtout avec l'idée qu'on ne travaillera pas forcément (et qu'est-ce qui peut faire tenir une vie solide et "valable", à part un job, je vous le demande ?). On se moque un peu d'eux. Malgré tout, le couple s'accroche à ce rêve, et ils retrouvent complicité et passion, mus par ce projet qui équivaut pour eux à une renaissance. Mais on sent le truc venir, on sent que malgré les cartons, les ventes de fringues, le désencombrement, les discussions avec les enfants sur "quelle poupée on aura la place d'emmener", le projet va tomber à l'eau, parce que l'un des deux va manquer de courage. D'ailleurs à titre personnel, j'ai beaucoup de ressentiment envers ce personnage, que j'estime "plus responsable" du tournant qu'a pris la vie que l'autre, parce qu'il n'a rien initié, n'a rien stimulé, et qu'il a saboté leur gros projet. Alors que l'autre personnage a finalement sacrifié tous ses rêves, toutes ses ambitions sur l'autel de sa vie de famille. Pour rien... Personne n'a été heureux en fin de compte.
J'ai aimé le message transmis par rapport à la parentalité : Pendant cette fameuse scène ou April annonce ne pas vouloir du troisième enfant dont elle est déjà enceinte. Frank la traite de personne égoïste, voire de monstre, et "tu n'as pas honte de dire ça", et "comment peux-tu parler ainsi de tes enfants". La réaction de cette femme m'a beaucoup parlé, telle que j'ai cru la comprendre : bien sûr, April aime ses enfants, mais elle questionne simplement la notion de "choix" dans une société du conformisme au modèle de réussite linéaire. Surtout quand il s'agit des choix des femmes. Mais dans les années quarante, il n'est pas bien vu de vouloir avorter sans raison valable. Le film critique donc à la fois les moeurs d'une société à un moment précis, mais aussi les modèles transmis et carcans imposés par la société de manière générale.
Finalement, on parle de conformisme et de rêves, et Revolutionary Road, c'est un peu le film-déclic pour se dire "dans ma vie je veux faire ceci et je ne veux pas m'enfermer dans cela", et se promettre que non, les Wheeler, ça ne sera pas nous... Bref, très intéressant (mais je confirme le propos introductif : c'est badant, en "feel good" on a mieux en rayon !).