Résumons le film : Il existe un groupe de gens (grands journalistes, grands patrons, hommes politiques...) qui se connaissent, se fréquentent et qui sont potes, voir qui travaillent ensemble. Ils constituent la "classe dominante". Leurs intérêts de classes font que les journalistes qui font partie de ce cercle ne peuvent qu'être asservis à l'idéologie libérale, qui est favorable à la classe dominante et ennemie de la classe dominée, comme tout un chacun le sait.
Plus niais et plus démagogique que ça, tu meurs. Un film idéal pour les adeptes du simplisme et des théories conspirationnistes.
Comme pour toute théorie du complot, on cherche tous les faits qui pourraient aller dans le sens de l'hypothèse préalablement établie, mais on omet évidemment tous les faits qui pourraient la contredire. Avec moins de biais, on pourrait pourtant tout aussi bien démontrer que les journalistes sont asservis au socialisme. (Ils touchent tous des subventions, ils se réclament presque tous de gauche, votent à gauche, on pourrait aussi lister les "experts" socialistes...) On pourrait très bien s'intéresser au scénariste du film par exemple, Monsieur Serge Halimi, patron du journal Le Monde Diplodocus (détenu à 51% par Le Monde), qui est probablement la personne la plus invitée de l'émission Là bas si j'y suis sur France Inter, une émission que chacun de nous est contraint de financer par l'impôt. (Contrairement aux grands groupes financiers, que chacun est libre d'ignorer s'il le souhaite. Personnellement je ne m'informe via aucun des grands groupes dénoncés par le film et je le vis très bien.)
L'ironie du film, c'est que les réalisateurs sont les premiers à accorder une importance démesurée à leurs cibles (Les Attali, les Minc, etc. qui sont aussi libéraux que je suis la reine d'Angleterre). C'est eux qui, en scrutant leurs moindre gestes, la moindre de leurs paroles, les sacralisent. La solution à leur problème semble ne pas les effleurer. Celle-ci est pourtant très simple : il suffit d'arrêter de regarder TF1, d'arrêter d'écouter Attali, Minc etc, d'arrêter de prêter la moindre importance à cette nomenklature. Personnellement, je me fiche totalement de ces messieurs. Mais si des gens veulent leur prêter attention, c'est leur problème, ils font ce qu'ils veulent et ils pensent ce qu'ils veulent ! Je n'irais pas leur donner des leçons ou leur dire ce qu'ils doivent penser ou regarder.
Par ailleurs, le simple fait que les réalisateurs puissent déceler ici et là quelques discours qui pourraient vaguement ressembler à du libéralisme montre en creux que c'est bien le socialisme qui est la norme du discours médiatique. C'est exactement le procédé du site Acrimed (Du même réseau que ceux qui ont fait ce film) : ils passent leur temps à scruter tous les grands médias et à déceler toute parole un tant soit peu contraire à leur pensée. Si la défense du capitalisme et du libéralisme était la norme, il leur serait impossible de faire un tel travail. C'est précisément parce que ce genre de discours est l'exception, et non la norme, qu'ils peuvent relever, mettre en exergue et dénoncer tout ce qui leur semble aller dans ce sens, à la manière de la Pravda.
On pourrait encore faire des tartines sur les multiples biais du film, ce qu'il voit et ce qu'il ne voit pas, mais on va s'arrêter là. En résumé, un film qui se caractérise essentiellement par la superficialité des analyses doublée de suffisance. Bref, encore une vieille daube néo-marxiste moralisatrice, où l'on apprend strictement rien, à moins d'être un grand naïf.
NB : Les gens qui ont fait ce film se réclament de Pierre Bourdieu. Ce "grand" sociologue qui dénonçait les médias et expliquait que sa pensée n'était pas assez représentée à la télévision, eu égard aux conditions de productions de celle-ci. Ce qu'il est intéressant de noter, c'est que Raymond Boudon, un sociologue aussi important que Bourdieu, mais qui contrairement à ce dernier, était libéral, a été en 40 ans, vingt fois moins invité à la télévision que Bourdieu.