Le grand et magnétique Christopher Lee aura interprété à de si nombreuses reprises le rôle de Dracula qu'il aura forgé l’image collective du célèbre vampire dans la deuxième moitié du XXième siècle, ringardisant la version précédente de Bela Lugosi. Pourtant, insatisfait des libertés prises avec le roman, il aurait émis le souhait à Jess Franco, réalisateur des deux films de la série Fu Manchu dans lesquels il joua le rôle titre, de pouvoir interpréter le personnage plus fidèlement. Adieu donc la cape ou le visage glabre, mais est-ce bien suffisant pour distinguer ce Dracula des autres ?


Le film se veut fidèle, reprend des éléments du roman négligés des adaptations, mais sans trop savoir quoi en faire, à l’image des femmes vampires qui résident avec lui. Ce qui avait été retranché l’était peut-être pour des bonnes raisons. Mais d'autres aspects délaissés ne manquaient pas de potentiel, notamment que le comte rajeunisse au fil de ses goûters sanguins apporte un vrai plus au personnage et au film. Il s’agit une nouvelle fois de retrouver ce cher monsieur, d’abord dans son château, où se rend le clerc de notaire Jonathan Harker, puis de la menace qu’il fait peser autour d’une clinique de Budapest, où le professeur Van Helsing a ses habitudes.


La menace est solennelle, grave, mais fonctionne mieux dans la première partie, quand l’étrangeté et la dangerosité de la situation se révèlent à Jonathan Harker. Le film prend un temps appréciable pour se construire, avant que la deuxième moitié et son ajout de nouveaux personnages précipite le rythme dans un climat bien plus grossier.


Le film porte la roublardise de Jess Franco, habitué à faire au mieux au plus vite. Ses acteurs jouent en général, de façon passablement concernés, ou pire, dans un excès de gravité usant. Saluons tout de même la performance de Fred Williams en Jonathan Harker qui participe grandement à l’intérêt de cette première partie. Pour la curiosité, Klaus Kinski joue le déséquilibré Renfield, dont les nombreuses scènes n’apportent rien. La légende voudrait qu’il ait été caché à l’acteur qu’il jouait dans un film de vampires, ce qu’il refusait, tout comme il aurait mangé de vraies mouches pour les besoins du rôle. Mais avec Kinski tout est vérité et mensonge à la fois.


Et est-ce que Christopher Lee incarne mieux Dracula avec une moustache ? L’acteur de 1,96 mètre est toujours aussi imposant, menaçant. Mais les poils labiaux rendent le personnage moins crédible. Vous imaginez vous faire mordre dans le cou avec une moustache ? Ça doit chatouiller.


Malgré les légèretés des conditions de tournage, comme cette chauve-souris de toc ressortie régulièrement, et autres petites faiblesses, le film est pourtant assez réussi visuellement. Quelques plans sont très beaux, comme l’intérieur des couloirs du château, tout en verticalité, ou celui de la chambre de la jeune femme, d’un ton baroque qui a dû faire forte impression sur un jeune Tim Burton, grâce à des angles judicieusement choisis et un joli décor bien mis en avant.


Commençant de façon convaincante, le film se perd dans sa seconde partie, dans un rythme confus qui n’aide en rien l’appréciation. Le film se voulait le plus fidèle possible à l’œuvre de Bram Stocker, mais tout ne devait pas être gardé pour une telle durée. A l’image de son casting, le film oscille entre le toc et le chic, tout comme certaines scènes sont belles, d’autres sont bricolées. Le film est bancal, bâtard, et tant pis pour la petite moustache de Dracula, on n’en veut plus.

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le 17 mars 2020

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