Inutile de le cacher : Les Nuits rouges du Bourreau de Jade a une timide moyenne ici, et ça se comprend.
Oui, Frédérique Bel est tristement ridicule dans ce rôle d'assassin en cavale cherchant à refourguer au plus offrant un mystérieux coffret. Jamais à l'aise, peu en phase avec son personnage, elle plombe chaque scène où elle apparaît.
Oui, certains dialogues français sont indignes d'un téléfilm bas de gamme et, prononcés avec un sérieux papal, auront le don d'agacer ceux qu'ils ne feront pas sourire.
Oui, la direction d'acteurs globale n'aide pas à corriger le tir, abusant de poses affectées jusque dans certains passages qui n'en demandaient pas tant.
Voilà pour les tares qui, je l'entends, peuvent s'avérer rédhibitoires. Mais quid du reste ?
Premier film pour les Français Laurent Carbond et Julien Courtiaud, expatriés à Hong-Kong depuis bien des années maintenant, Les Nuits rouges du Bourreau de Jade transpire un amour immodéré de l'image, du son, des textures et des couleurs. A vrai dire, si les auteurs ont tenté de greffer une mini intrigue criminelle à leur film, c'est peut-être davantage par souci de commercialisation que pour autre chose. Film univers dévoré par ses désirs fétichistes, Les Nuits rouges... est maladroit mais très sincère.
Bien plus intéressants quand ils se focalisent sur les sensations que quand ils veulent construire un suspense, les duettistes mettent un point d'honneur à exciter leur public, sans pour autant livrer un banal catalogue d'images léchées. Bien décidés à bâtir un microcosme façonné par leurs préférences, les deux hommes n'oublient jamais de rendre extrêmement cinématographiques toutes leurs idées de mise en scène, jusque dans une séquence horrifique parmi les plus cruelles et éprouvantes de la décennie passée...
Pas loin d'être aussi généreux en couleurs que le Suspiria de Dario Argento, Les Nuits rouges du Bourreau de Jade est de plus cadré avec une belle précision. Peu intéressés par l'auto-censure, les scénaristes-réalisateurs construisent un plan après l'autre un univers qu'ils aimeraient fait de fantasmes purs, sans plus se soucier de la réalité. Une démarche pas toujours fructueuse mais régulièrement stimulante dans ses deux premiers tiers, jusqu'à une dernière demi-heure proprement splendide. Enchaînant un pic de souffrance en forme de séance sado-masochiste détournée et un climax prodigieux, Carbon et Courtiaud nous gratifient en prime d'un plan final éblouissant.
Quand on considère que le cinéma n'est jamais meilleur que lorsque l'image et le son en deviennent les principaux instruments, difficile de résister à une proposition aussi généreuse, le film ayant une conscience aiguë du rapport fétichiste que peuvent développer les amoureux de l'image avec leurs films les plus chers. Moite, parfois addictif, le long-métrage n'est rien moins qu'une déclaration d'amour au stupre, ici traduit par des lumières, des décors et un amour du détail qui pimentent chaque photogramme de cette errance urbaine.
Pas de quoi faire disparaître les gros défauts mentionnés plus haut mais en ce qui me concerne, largement assez pour les mettre de côté. En attendant avec impatience le prochain projet de deux mecs carrément prometteurs.