Ce que j'aime particulièrement chez Jacques Audiard est sa faculté à se balader de genre en genre, à ne jamais faire le même film. Et ici, dès les premières images, on comprend qu'encore une fois il va s'aventurer sur des terres inconnues, de lui certes, mais pas que car c'est clairement un film qui désarçonne, ne ressemblant à rien qui ait déjà existé.
Alors forcément l'amoureux de cinéma, dont l'un des plaisirs est de créer des ponts, de s'amuser à trouver des références, va devoir se laisser aller, passer outre ce petit jeu, et tout simplement se plonger dans cette histoire au premier abord sans beaucoup d'enjeux dramatiques.
Et très sincèrement il n'est pas difficile de se laisser aller, se perdre, car on se sent, de manière instantanée et sans qu'on puisse réellement l'expliquer, merveilleusement bien dans ces "Olympiades". Mise en scène, photographie, personnages, dialogues, distribution, tout est beau, élégant, jusqu'au béton.
Mais parce que l'amoureux de cinéma est indécrottable, et parce que son cerveau abîmé par trop de passion et d'heures passées dans les salles obscures est ainsi fait, il se dit soudain : « Mais c'est bien sûr, je me croirais chez Philippe Garrel, si celui-ci se rendait soudain compte que l'humour existe. ». Car oui ça marivaude en noir et blanc, ça bavarde à propos des sentiments, ça peut provoquer de hauts cris chez ceux qui voient, non pas des nains mais des bobos partout. Il y a bien des tentatives de se frotter à la modernité, aux dérives de la société moderne, mais ce n'est pas là que le film se montre le plus pertinent. C'est quand il revient à la futilité de surface, quand il reprend son rythme (parfait), sa musicalité, qu'il parvient à capter une vérité, à faire des êtres peuplant ce film choral en miniature ceux qu'on aimerait suivre encore longtemps, très longtemps. Émile, Camille, Nora, Amber bien entendu, mais aussi les quelques personnages secondaires qu'on n'est pas prêt d'oublier alors qu'on ne les aperçoit parfois que le temps d'une scène.
"Les Olympiades" a donc été écrit à six mains, et c'est probablement une des raisons de la réussite du scénario, chacun a pu y mettre ses thématiques, son univers. Je n'en dirai pas plus car beaucoup d'entre vous ne le découvriront que le 3 novembre, mais oui Céline Sciamma et Léa Mysius ont su, pour notre plus grand plaisir, trouver leur place aux côtés d'Audiard.
Et le mélange, comme celui qui nous est montré à l'écran, est d'une efficacité redoutable, aussi tendre qu'amusant, aussi désuet que moderne. Un cinéma hors du temps, ne répondant à aucune injonction artistique, politique, pas à la mode donc probablement indémodable.
Parfois on sort d'une séance avec le sourire au bord des lèvres, le cœur qui palpite d'un bonheur simple, uniquement parce que le moment passé était délicieux, et que pour rien au monde on ne souhaite l'interrompre sous prétexte que les lumières de la salle, de la ville, se sont rallumées.