Film français, atmosphère poisseuse, Amérique centrale, personnage principal masculin jouant avec la mort : la réponse n'est pas Le salaire de la peur, mais Les orgueilleux, de Yves Allégret. Si les deux films se ressemblent peu, on ne peut s'empêcher de penser à l'un en voyant l'autre.
Film atmosphérique principalement, Les orgueilleux déploie son intrigue minimale dans un misérable village mexicain se défendant contre une épidémie de méningite cérébro-spinale.
Yves Allégret campe son atmosphère à grand renfort de précision presque documentaire. La scène de ponction lombaire est ainsi redoutable de réalisme, grâce au jeu de Michèle Morgan. D'emblée, la musique criarde crispe, renforcée par ces pétards explosant à intervalles réguliers. Les différents effets destinés à nous faire ressentir la chape de plomb dans laquelle évoluent les personnages sont très réussis.
S'il est difficile de croire à la romance entre Michèle Morgan et Gérard Philipe, c'est néanmoins rendu possible par le charme absolu de l'acteur et par sa composition inoubliable, en ancien médecin alcoolique dévasté par sa responsabilité dans la mort de sa femme.
La partie attendue de la rédemption est la plus faible, intervenant extrêmement rapidement sur la dernière partie du film, nous offrant d'ailleurs une fin désolante qui, à sa décharge, est la demande de la production. N'en reste pas moins que ce dernier plan devant un ciel peint en studio, qu'Yves Allégret n'a pas tourné lui-même, est d'une laideur et d'un manque d'à-propos absolus.