Eau, mines et râles
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le 24 mars 2017
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La note de ce film par ici est assez haute je dois dire, et je n'ai vu aucune critique négative. Il faut donc que je me lance! Tout d'abord, je tiens à souligner que je n'ai vu le film qu'une seule fois, peut-être n'est-ce pas suffisant pour le critiquer, mais il me semble que me replonger dedans ne serait pas particulièrement utile. Les choses qui m'ont déplus sont assez claires dans mon esprit.
Donc, commençons. Tout d'abord, je dirais que je n'ai pas eu tant d'attachement que ça à ses personnages. Le film est assez factuel et documentaire, ce qui permet d'éviter de tomber complètement dans le pathos, mais en même temps, on y échappe pas complètement. Et d'un autre côté, c'est peut-être aussi ce style assez neutre qui m'a empêché d'aller vraiment dans la psyché des personnages. Peut-être aussi est-ce parce que j'ai vu dès le départ où le film voulait en venir. Certains personnages sont assez archétypaux, assez inintéressants, et on a l'impression qu'ils sont plus fonctionnels qu'autre chose.
Quand un film comme celui-ci prend le temps de montrer un enfant jouer avec un petit animal, c'est que l'enfant va mourir. J'imagine que si on ne l'avait pas vu venir, on aurait pu être choqué par la mort du gamin, dont le nom m'échappe à présent, mais personnellement ça a un peu bloqué mon investissement dans le personnage et ça m'a presque sorti du film.
Parlons en d'ailleurs, de comment cet enfant meurt. Il se fait sauter sur cette mine après avoir été chercher cette petite fille. Juste avant qu'il n'explose, la caméra recule de quarante mètres. Et la surprise? Je comprend bien qu'à ce moment du film, on est déjà censé savoir que le gosse va se tuer, mais pourquoi ne pas avoir fait persister le doute, jouer avec l'espoir du spectateur? Même si on sait au fond de nous que ça va arriver, ça ne nous aurait pas empêché d'espérer que non! C'est ce que j'appelle le syndrome de Frank Grimes: je me souviens que la première fois où j'ai fait l'expérience de ce phénomène, c'est quand j'ai revu cet épisode des Simpson où un collègue d'Homer meurt accidentellement lors d'une crise nerveuse déclenchée par l'incompétence et la stupidité de ce dernier. Etant donné que comme je l'ai dis j'avais déjà vu l'épisode, je savais très bien comment ça allait se terminer. Pourtant, j'espérais tout de même de manière complètement irrationnelle que cette fois-ci il ne toucherait pas aux cables haute-tension et qu'il ne mourrait pas, parce que j'appréciais le personnage.
Ce que je veux dire à travers cette petite digression, c'est qu'il aurait fallu maintenir la tension, le doute, jusqu'au bout et ne pas l'abandonner même pour une fraction de seconde. ça, ça aurait rendu la scène mémorable et ça, ça aurait accentué notre choc. Peu importe qu'au fond de nous on sache que ça devait se terminer comme ça. Il faut jouer sur cette idée aussi.
C'est d'ailleurs l'uns des plus gros problèmes que j'ai avec ce film: outre le fait que je n'ai pas été particulièrement investis dans les personnages, sans doute comme je l'ai dit à cause de certains aspects prévisibles du film qui vont de pair avec une assez mauvaise utilisation des set-up pay-off (je pense à cette scène où on leur demande de revérifier si toutes les mines ont bien étés neutralisées, par exemple), je trouve que Les Oubliés sabote lui-même la tension de ses scènes.
Prenons la toute première scène de déminage, dans le bunker, alors qu'ils sont encore à l'entraînement: elle est bien menée et anxiogène. Seulement elle échoue dans sa résolution: alors qu'on s'attend à voir quelque chose de particulièrement violent, ce qui est la première raison à notre anxiété étant donné qu'on ne connait pas encore assez les personnages pour s'inquiéter pour eux, l'explosion se déroule hors-champ et on enchaîne presque immédiatement sur la prochaine scène. Non seulement en tant que spectateurs on se sent un petit peu trahis parce que cette situation n'a finalement aboutie à rien de bien significatif, mais en plus on est rassurés: on sait que le film ne nous montrera rien qui pourrait nous choquer.
Et quand comme moi on a du mal à avoir de la sympathie pour les personnages, la tension du film est alors, à l'instar d'une mine, rapidement désamorcée.
Alors, peut-être qu'à ce long paragraphe centré sur la tension, vous me répondrez que ce n'était pas vraiment le propos du film, et que j'ai manqué tout le message. Peut-être, mais j'ai des choses à dire sur ce sujet également figurez-vous!
J'ai parlé précédemment des personnages. L'uns des personnages principaux, le sergent Rasmussen, apporte des thèmes intéressants. On voit en lui la brutalization (et un point anglicisme, un!) qui pousse à ne plus considérer aucun des ennemis comme des êtres humains. On peut s'étonner d'ailleurs qu'il soit si radicalisé dans sa haine des allemands quand on connaît l'histoire du Danemark occupé, mais ça ne semble pas improbable non plus. Finalement, il revient du côté de la lumière et décide d'aider les enfants allemands. C'est sans aucun doute l'arc narratif le plus intéressant, et sans doute est-ce le cas grâce à la performance remarquable de l'acteur. J'en profite d'ailleurs pour dire que malgré le fait qu'ils soient adolescents, les acteurs s'en sortent tous plutôt bien, ce qui est quelque chose de moins que j'aurais à reprocher au film.
Mais même si ce parcours est intéressant, je trouve que certains points le concernant sont assez mauvais. Le supérieur du sergent par exemple qui est un personnage réduit à sa fonction d'antagoniste, de méchant, ou certains moments qui paraissent assez artificiels: je ne vois pas un homme de son caractère laisser son chien aller jouer sur la plage, même s'il a confiance en l'habilité de déminage des gamins. Aussi tout ce passage où il se durcit à nouveau m'a paru être une péripétie assez artificielle, comme un certain nombre d'autres péripéties du film d'ailleurs.
On a l'impression qu'il n'y avait peut-être pas assez de matière pour faire un film et tout les rebondissements sont assez maladroitement amenés.
Maintenant, parlons du message du film! Grosso merdo, on fait dans le pacifisme et on critique la déshumanisation entraînée par la guerre. Seulement y'avait il besoin d'un film de plus pour nous dire ça? En plus de ça, le message est assez clair dès les premières scènes et le métrage ne nous apporte pas beaucoup de nouvelles idées, de nouveaux éclaircissements ou de perspectives sur la question. Peut-être ce film serait-il intéressant à montrer à quelqu'un qui aurait une haine viscérale de tous les Allemands de cette période de l'Histoire, les jugeant comme les personnages Danois tous responsables de ce qui est arrivé? Mais pour moi qui suis-déjà convaincu du message du film, j'ai du mal à y trouver un quelconque intérêt. Là encore, beaucoup d'autres films ont déjà pris le point de vue d'allemands favorables au Régime pour montrer qu'ils n'étaient pas tous automatiquement mauvais et je pense qu'ils le font bien mieux que ce film.
En plus de ça, Les Oubliés ne montre que peu d'embrigadement idéologique; en faire un thème aurait pu aider à nuancer le propos, à justifier le point de vue adverse ce qui aurait permit de le démonter avec encore plus de force. Il aurait pu également être intéressant de montrer les enfants se défaire de cette imprégnation idéologique tandis que de l'autre côté, le sergent se défait de la sienne: encore une fois, le message n'en aurait été que plus fort.
Pour résumer, ce film se veut drame historique mais n'explore pas assez l'aspect historique et reste assez superficiel dans le drame, ce film veut faire dans la tension mais ne peut s'empêcher de l'assassiner, et ce film a un aspect documentaire qui me fait me dire que j'aurais préféré voir un documentaire.
Peut-être suis-je un petit peu sévère avec cette note, mais c'est que je suis déçu par ce traitement d'un thème fascinant qui aurait pu donner un film excellentissime.
Créée
le 21 juin 2017
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