« Oh je ne pourrai jamais vivre sans toi »

Non, je ne pourrai jamais plus vivre sans ce film qui a sonné pour moi comme une évidence la première fois que je l'ai vu. Dès les premières notes de musique, qui m'ont immédiatement bouleversée au plus profond de moi-même. Et pourtant, il ne partait pas gagnant. Bien sûr, je savais qu'il avait été Palme d'Or, et j'ai souvent de la curiosité pour les Palmes d'Or. Et puis une amie à moi l'avait vu et aimé, ce qui m'a poussée à le regarder, peu de temps après avoir redécouvert mon amour profond pour Peau d'Âne, du même Jacques Demy. Mais j'appréhendais un cet « opéra pour le cinéma », un film entièrement chanté. Comment aurais-je pu deviner que ce film touchait la perfection au plus près ?
Son dvd, gagné avec un abonnement internet à l'époque où on avait encore des modems, errait dans l'indifférence la plus totale depuis tout ce temps chez ma grand-mère. Mon indignation n'en a été que plus vive ! Comment avais-je pu vivre si longtemps sans cette épiphanie à la fois musicale et cinématographique ? J'ai tout de suite missionné ma mère pour subtiliser ledit dvd, qui de toute façon n'était d'aucune utilité à mon aïeule puisque malgré sa petite collection, elle ignore jusqu'à la manière d'allumer son lecteur de disques. Mon larcin s'est plus tard révélé inutile, puisqu'à l'occasion d'une escapade parisienne, j'ai pu, ô joie suprême, visiter l'exposition Jacques Demy à la cinémathèque de France. J'y ai découvert les robes couleurs de temps de Peau d'Âne et autres merveilles, et ait été inondée par un bonheur sans limite, que me rappellent encore aujourd'hui un carnet à l'effigie de la princesse en fuite et mon coffret dvd contenant Peau d'Âne, les Demoiselles de Rochefort, et bien sûr, les Parapluies de Cherbourg.
Et c'est à peine deux semaines plus tard que j'ai vu les Parapluies pour la dernière fois jusqu'à aujourd'hui. C'était au cinéma en plus. Je n'avais jamais tant pleuré au cinéma. A ce moment là, je n'étais pas très en forme, il faut l'avouer. C'était la deuxième fois que je le voyais d'ailleurs. Mais je crois que j'ai été tellement transcendée par ce film, que je n'ai pas voulu le « gâcher » en le regardant trop souvent. J'ai préféré conserver son mystère, ne pas le connaître par cœur, de manière à le redécouvrir chaque fois. Il est rare que j'agisse de cette manière. Une fois encore, ce film est l'exception. Aujourd'hui, au contraire, je ne pourrais pas aller mieux. Et pourtant, c'est ce jour que j'ai choisi pour le revoir. J'en avais envie depuis longtemps, mais pour une raison mystérieuse, la mélodie m'a trotté dans la tête ce matin, et c'est peut-être cela qui m'a décidée.


Et il n'a rien perdu de son charme. Oui, ce charme peut-être un peu désuet, ce côté parfois naïf, ces couleurs vives qui sont la marque de fabrique de Jacques Demy, à qui je professe une fois encore mon amour éternel et absolu. Ce n'est pas une tragédie, on n'y meurt pas d'amour, et pourtant, j'ai le cœur brisé quand je le revois. Je le redis, cette musique est parfaite. Sans cette musique, la même histoire, avec des dialogues parlés, ne serait sans doute pas aussi belle. Et Catherine Deneuve est d'une beauté saisissante. A l'instar de Rolland Cassard, et plus tard de Maxence dans les Demoiselles de Rochefort, elle me rappelle, avec sa couronne, une vierge de la Renaissance, ou devrais-je dire, « […] ces vierges mythiques, qui hantent les musées et les adolescents » . Geneviève est naïve, et souvent indifférente, elle veut un « machin pressé » au début du film, et n'est pas plus décidée quant au choix du carburant pour sa voiture à la fin. Elle est désespérée, et préfère se rallier à l'avis de sa mère en épousant Rolland : « Je n'ai pas le choix, vous êtes mon roi ».
Et Guy, de son côté, a du mal à comprendre ce qui s'est passé. Il est fougueux et impatient. Il n'a que faire des aiguilles encore dans la robe de celle qu'il aime, il préfère se piquer. Il n'a pas idée de la situation dans laquelle se trouve Geneviève, alors qu'en 1958 les filles-mères sont encore rejetées par la société. Finalement, c'est la douce Madeleine qui va réussir à l'extirper de son chagrin. Madeleine est un personnage que j'aime bien. Elle est peut-être moins coquette, moins lumineuse que Geneviève, certes, mais je l'aime bien.
D'ailleurs, je n'aurais pas aimé que Guy la quitte pour retrouver Geneviève à la fin du film. C'est vrai que j'aime les histoires d'amour qui finissent bien, mais j'aime l'idée que Guy ait trouvé la paix en épousant Madeleine, quand on voit bien que Geneviève, malgré l'opulence de sa tenue et de sa voiture, contrastant avec la simplicité de Guy et de sa famille, reste torturée par le souvenir de Cherbourg, ne pouvant s'empêcher d'y faire un détour. Elle le voit en sa fille. Et Guy refuse de rencontrer la petite Françoise, non par amertume, je le pense sincèrement, mais parce que contrairement à Geneviève, il a fait la paix avec son passé. Et je ne peux alors m'empêcher de ressentir une peine extraordinaire pour Geneviève, malgré tout.


Les Parapluies de Cherbourg mérite vraiment la première place de mon Top 10 films, je le considère comme un des joyaux de ma collection, et j'attends de le revoir, mais pas trop tôt.

marquise
10
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le 31 mai 2015

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marquise

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