Plus on vieillit, plus Demy nous est cher : tout ici est magnifique, enchanteur, quasi divin. Un rêve de film, voilà ce qu'est "les Parapluies de Cherbourg" : Demy y réinvente avec son copain Legrand la comédie musicale, ni plus ni moins...
La grande idée de Demy dans les "Parapluies de Cherbourg", c'est le décloisonnement, à la limite de la schizophrénie : sa comédie musicale n'est pas une histoire guillerette qui finit par des chansons, mais un pur mélodrame habillé de couleurs pimpantes, tourné dans la rue (à la manière de la Nouvelle Vague). Il invente ici l'opéra cinématographique, l'opérette brechtienne, conjuguant art populaire et distanciation comme nul n'a osé (ni bien sûr réussi à...) le faire avant lui, ni après lui.
Avec ses fameux dialogues chantés, "les Parapluies de Cherbourg" est à la fois complètement décalé et plus vrai que n'importe quel film hollywoodien, et, "euphorique, le spectateur reçoit en plein cœur la belle panique de la vie"... Belle à pleurer, avec cet esprit fleur bleue mêlée à une cruauté sans pareille, cette histoire atroce racontée avec une joie de vivre sadique est un chef d'œuvre. [Critique écrite en 1996 et 1998]