Le film fait référence immédiatement aux grands films musicaux américains dont les années 60 marquent une sorte d'apogée du genre : Chantons sous la pluie, bien sûr, dont la thématique est reprise, via cette histoire de parapluie, Mary Poppins aussi, dont on retrouve la tonalité enfantine. Pourtant, pour Jacques Demy, faire ce film musical était un véritable défi, dans un cinéma français dont la marque est d'abord le réalisme et la crudité.


Ce ton gai et chaleureux, presque naif, aussi bien dans les répliques que les décors mais également dans le jeu d'acteurs où Catherine Deneuve - qui fait autant preuve d'ingénuité que d'indépendance - est renforcé par la musique de Michel Legrand, jazzy et très vivante, sous forme d'un récital, et par un grand nombre de références à l'univers enfantin comme La Belle au bois dormant. Il y a quelque chose évidement de merveilleux dans le film : les couleurs des tâpisseries, cette scène finale sous la neige avec ses airs de conte de Noel, ou encore la scène de la galette des rois, dans une tonalité exagérément enfantine.


Mais derrière l'apparente innocence du récit, une sourde menace avance. Cherbourg est toujours sous la pluie, souvent la nuit, et elle n'est en rien une ville joyeuse dès lors que l'on sort du magasin de parapluie. Plus encore cette ville est encore pauvre, les murs parfois décrépis, la société traditionnelle et conservatrice : mariage arrangé, patriarcat, femme au foyer, alcoolisme, le petit banditisme. Mais il y a surtout la Guerre d'Algérie, un évènement qui n'est en apparence qu'un détail de l'arrière-plan mais qui est déterminante, l'élément perturbateur de la situation initiale. La jeune Geneviève (Catherine Deneuve) tombe amoureuse de Guy (Nino Castelnuovo), un jeune homme mécanicien qui va être envoyé sur le front algérien et cela aura des conséquences sur le couple. Geneviève attendra en vain son retour dans le magasin de parapluie de sa mère qui, pour combler sonc chagrin, arrange une autre union. D'abord, Geneviève s'y refuse mais, enceinte de Guy, pour éviter le déshonneur, elle accepte ce mariage. Lorsque Guy revient de la guerre, tout aura changé. Jacques Demy, le réalisateur, insiste sur la temporalité : on a une datation très précise des évènements, ce qui peut paraître inutile vu l'histoire de romance universelle qui se déroule dans le film mais qui dresse en réalité une chronologie, un parrallèle entre l'histoire de Guy et Geneviève et les évènements d'Algérie, renforcant ainsi considérablement la dramaturgie.


Car ce film est triste en réalité, presque desespérant. La scène finale, magnifique, en témoigne : Madeleine qui vit à Paris à présent repasse à Cherbourg plusieurs années après. Guy est devenu chef d'entreprise et lorsqu'elle s'arrête à la station service, il s'agit de la sienne. Il sort et l'aperçoit, lui fait le plein. Il regarde la fille dont il est le père et les deux anciens amoureux se séparent pour ne plus se revoir, tandis que la neige recouvre la ville et achève d'ensevelir leurs amours mortes.


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le 10 nov. 2015

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Tom_Ab

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