Variations olfactives autour du thème maître et serviteur

La principale qualité de la seconde réalisation de Grégory Magne réside dans sa musique. Dès les premiers plans, on a en effet le vif plaisir de se trouver embarqué par les accords de Gaëtan Roussel, qui avait secondé Alain Bashung pour la réalisation de son ultime album « Bleu Pétrole » (2008). On y retrouve ces mélodies invitantes, ce rythme qui entraîne et propulse de l’avant, particulièrement indiqués pour une écoute en voiture. Ici, pour slalomer sur les images d’une luxueuse voiture serpentant dans une forêt d’automne flamboyante, c’est idéal.


Dans cette voiture pour VIP se trouvent réunis un chauffeur, Guillaume Favre, campé avec décontraction et naturel par Grégory Montel, et sa cliente, Anne Walberg, ancien « nez » chez Dior, maintenant déclassé, étoile descendante à laquelle Emmanuelle Devos prête ses traits. Ènième variation autour du classique duo maître serviteur, dans lequel on se doute bien que la hiérarchie va se trouver bousculée.


La proposition du réalisateur, en même temps scénariste, est à la fois intéressante et prévisible. Guillaume se bat avec difficulté pour obtenir la garde alternée de sa fille, et d’autant plus de difficultés qu’il a tendance à ne pas toujours respecter strictement le code de la route, ce qui finit par menacer son emploi, malgré la bienveillance de son employeur (Gustave Kervern, amusant en Arsène tapi au fond des rougeoiements de son restaurant chinois de périphérie). Si ces failles sont d’emblée révélées, celles de « Mademoiselle » (elle y tient) Walberg mettent plus de temps à transparaître derrière un mur de froideur et de respectabilité bourgeoises. Toutefois ces deux âmes blessées tireront profit de leur frottement et sortiront l’une et l’autre ragaillardies du bel œuf noir de l’automobile.


À retenir, quelques dialogues intéressants autour de la profession de « nez » et notamment la visite d’une grotte, dont l’ambiance olfactive doit se trouver reproduite, en vue de sa réduplication pour des visites ouvertes au public. Et le duo le plus savoureux, offert par l’improbable réunion, hélas très brève, d’E. Devos et de Sergi López, en médecin, éminent spécialiste, censé guérir la grande dame de ses crises d’anosmie hystérique. Se dégagent de cette rencontre une tendresse, un humour, une admiration mutuelle difficilement masquée qui traversent véritablement l’écran et poussent le spectateur à s’interroger sur la part du jeu et du naturel... On eût aimé un semblable jaillissement chez le duo principal, mais celui-ci ne parvient qu’à rester gentiment sympathique.

AnneSchneider
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le 28 juin 2020

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Anne Schneider

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