L'adaptation du roman de Dean Koontz "La mort à la traîne" tournée en version pain sous le bras et béret vissé sur le crâne contredit toutes les adaptations de romans américains que l'on peut voir aujourd'hui dans les salles françaises qui projettent nos étrons bien de chez nous. A l'heure où l'on a plus qu'à adapter les œuvres passables de Grangé, là, dans l'ancien temps, nous avons eu à faire à une adaptation qui a de la Gueule avec un grand G. Alors certes, 1977, c'est vieux. Desproges n'avait pas fait son premier spectacle, Coluche n'était pas encore mort, Trintignant était encore acteur, Renaud sortait "Laisse Béton", Dalida faisait un carton avec "Salma ya salama", John Cena, Virginie Efira, Tom Welling et Damien Saez naissaient pendant que Groucho Marx, Chaplin, Prévert et Elvis Presley mourraient (osez me dire que nous n'avons pas perdu aux changes). Et pourtant, même si c'est "vieux", que c'est une adaptation, que c'est franco-italien, c'est boooon.
C'est l'histoire d'un mec, il se précipite à Rome pour aller chercher le gamin de sa femme pour le ramener à Paris parce que Paris et Bordeaux sont les deux seuls villes que les américains connaissent. Alors il prend la route, mais une camionnette toute noire le suit. Pas de panique, c'est sans doute l'imagination jusqu'à ce que le taré se met soudain à tuer des flics. La route continue, des duels d'une grande intensité ont lieu jusqu'à la capitale française (de laquelle nous ne verrons que l'intérieur d'un appartement, difficile à dire s'ils se sont donné la peine de faire la route de Rome à Paris). Alternant les scènes entre le beau-père et le gamin et les scènes avec le schizophrène poursuiveur, l'histoire arrive au point culminant de la rencontre entre ce type dangereux et cet homme, protégeant sa famille. Et malgré tout un bon film, on se tape une fin que je nommerai de fin à la "Va te chier, j'ai pas eu le temps de faire une fin convenable parce que de toute façon la fin du roman est pire".
Alors tout d'abord, mon zami littéraire, voguons ensemble sur cette adaptation. Il y a des différences fondamentales, premièrement sur les personnages principaux. Dans le film, on a à faire à un gamin qui patauge entre l'inutile et le dispensable, tandis que dans le livre, il est loin d'être con. Dans le film, notre papa est un mister costard-cravate qui hésitera à prouver qu'il en a une paire, comme tout homme censé dans sa situation tandis que dans le livre, c'est un espèce de hippie de merde dont même le chien est sale (voilà que je recommence). Dans le film, le tueur est complètement fou, limite terrifiant (on le doit à son interprète) qui n'hésite pas à tuer, il est presque ordonné et malin. Dans le livre, le tueur de Koontz vacille un peu, on le sent perdu et surpassé, loin d'être une étoile. Parfois on a même du mal à le croire méchant méchant … Après, la grosse différence est le lieu, dans le livre ça se passe en 5 jours, dans le film, Paris Rome peut se faire en 2. Et forcément, la fin est différente, mais dans les deux cas elle est loin d'être terrible.
Faut quand même saluer le face à face terrible que l'on a entre Trintignant et Fresso est tout simplement terrible. Certes, j'ai appris le nom de Trintignant en regardant la VF de Kubrick sur laquelle je m'arrachais scrupuleusement les veines avec mes dents de lait, mais sa voix est quand même bien bad ass (très mal utilisé dans Shining, c'est triste), puis en face on a Bresson, ancré dans son rôle, il nous sort dans un Thriller à tendance policière des putains de moments de flippe car ce type fait flippé. Bresson est un excellent acteur, et là chose rare dans les adaptations, il donne cent fois plus de personnalité à son rôle qu'un chapitre entier de description de Koontz. Bresson à la gueule, il a la voix, il a le regard, il a le jeu et surtout, il a cet espèce de détachement dans ce qu'il fait qui le rend super fort. Mais il n'est pas super fort, il est mieux que ça même il est surpuissant ! Et au lieu de nous prendre la tête, Bresson nous prend les tripes. Un beau rôle que très peu de personnes ont sans doute pu voir.
Le film a quand même pas mal de défaut, le reste du casting est plutôt faiblard niveau talent et crédibilité, notamment la blondasse qui sert d'héroïne à la fin. Les scènes d'action ont, avouons le, vieillit salement. (Les salement n'y sont pour rrrrien là dedans comme dirait Angela). On a une scène rappelant vaguement un certain "Duel" où l'on nous sert dix fois les mêmes plans à la "ni vu ni connu j' tambouille". Et même si certains passages sont très bons, on a quand même un beau nombre de scène assez molle. D'ailleurs, Trintignant aussi, a beau enfilé son beau costume et ses Ray-bans, sa personnalité molle n'attire pas les foules (c'est sans doute une contrepèterie), heureusement qu'il est bon acteur, ça sauve un peu son rôle. Ce film m'aura au moins appris qu'en France, on peut parfois sortir de belles adaptations et rivaliser secrètement contre le monopole américain … enfin "pouvait".
Bon Film :)
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