Cher Jean-Pierre,
Ton absence continue sans doute d'attrister une bonne partie du public qui a fait du treize heures de TF1 le journal le plus suivi. Celui qui décrivait la France chaque jour par ses jolies provinces, ses métiers qui étaient voués à l'oubli, ou encore sa ruralité qui luttait pour ne pas crever sur pied.
Les Petites Victoires sonnerait presque comme un hommage, histoire de marquer le fait que tu nous a quitté depuis un an déjà, presque jour pour jour.
Il ressemblerait presque à une illustration grandeur nature de tes opérations SOS Village, pour essayer de trouver un repreneur à la boulangerie ou au zinc fermé depuis des lustres, histoire de recréer du lien social et éviter que tout le monde ne foute le camp.
Je te confirme que ton public a répondu présent dans la salle, et qu'il en est sans doute ressorti ravi. Parce qu'il a vu la France vraie, telle que tu leur montrais à l'heure du déjeuner. Il y a donc vu la plupart des images d'Epinal du registre de la comédie molle, ainsi que le seul bon mot qui tenait à peu près la route dans la bande-annonce.
Il y a eu aussi quelques quelques portraits vaguement attachants, voisinant La Tête en Friche, concernant Michel Blanc, tandis que le rôle dévolu à Julia Piaton fait écho de manière maladroite à ces maires multi-fonctions, tout aussi dévoués que débordés.
Les Petites Victoires aurait pu faire l'affaire dans son combat pour éviter la désertification d'un bled breton, lui qui réussit par ailleurs l'exploit de rendre Julia Piaton plutôt sympathique. Il ne manquait plus qu'une apparition de Gauvain Sers pour venir pleurer "On est les oubliés"...
Sauf que le film déraille littéralement en vue de la dernière ligne droite. Car non contente d'utiliser l'un des pires ressorts dramatiques en guise de climax, Mélanie Auffret nous offre quand même, malgré le fait que l'école ferme, un happy end sorti de nulle part, comme un énième passage obligé d'une oeuvre qui n'en manque pas.
Parce que ouais, l'école ferme. Mais rien à battre : celle du bled plus grand d'à côté n'est pas si mal, après tout et les gosses y seront bien. Le village perd sa madame le maire. Même pas mal. Cette dernière a échoué. C'est génial : on la fête alors qu'elle se paie un road trip à vélo à durée indéterminée, comme c'est la mode chez les néo ruraux qui n'ont pas grand chose à faire.
On se demande alors à quoi a réellement servi le scénario d'une heure trente et ce que Mélanie Auffret voulait dire : la lutte est-elle perdue d'avance ? Est-ce que cela en vaut même encore la peine ?
Ces quelques réflexions apparaîtront sans doute très bêtes à ceux qui sont sortis de la salle avec l'air ravi. Car ils ont vu ce qu'ils attendaient, soit une histoire du terroir où finalement, rien n'est grave, avec un petit village qui rit et fait la fête dans son troquet clandestin. Et qui ne garde pas rancune contre celui qui a cafté et provoqué la descente de l'inspecteur de l'Education Nationale idiot.
Moi, Jean-Pierre, j'étais triste, car il m'a semblé que Mélanie Auffret passait après le crabe pour te tuer une seconde fois.
Behind_the_Mask, qui laisse lui aussi la France sans solution.