Il y a toujours chez Marcel Carné une forme de sensibilité qui ne m’emporte jamais totalement. On n'est pas loin du blocage : esthétiquement, je sais apprécier les graphismes de ce réalisme poétique (qui vit ses derniers moments, déjà bien tardifs, il me semble), mais intellectuellement, peut-être même au niveau des thématiques, des codes narratifs, il y a quelque chose qui coince sans que je sache y mettre les bons mots. Pour l'instant.


En l'occurrence, les obstacles sur le chemin qui mène à l'appréciation de ces "Portes de la nuit" sont nombreux.


Je n'aime pas cette personnification à outrance du destin, le personnage deus ex machina de service emprisonné dans le carcan de son artificialité qu'on n'essaie à aucun moment d'adoucir. C'est un personnage-symbole, on l'accepte où on passe son chemin : on n'a pas vraiment le choix, impossible de contourner sagement le point dur. Ses avertissements répétés ont été beaucoup trop solennels et sentencieux pour atteindre ma sensibilité.


Je n'aime pas l'immense majorité du travail des acteurs, même si je ne suis pas sûr que ce soient les principaux fautifs (Jean Gabin et Marlène Dietrich auraient-ils sauvé le film ?). Mais avec toute la sympathie que je peux avoir à l'égard d'Yves Montand, ici, il est plutôt mauvais. Tout comme Serge Reggiani (qui en fait trop dans le registre du collabo qui regrette). Tout comme Nathalie Nattier (qui en fait trop dans le manque de vigueur). Tout comme Saturnin Fabre (qui en fait trop dans le registre du collabo qui assume). Un petit festival de mauvais choix.


Et la musique de Joseph Kosma (ça y est, je connais son nom, merci Tavernier et son "Voyage à travers le cinéma français"") oscille entre le bon et le moins bon.


Tout cela en gardant à l'esprit que produire un tel film en 1946, montrant la Libération dans toute sa déception et sa désillusion, dans toutes ses complications liées à la cohabitation des "gentils" et des "méchants", ne devait pas être une mince affaire et avait dû demander une certaine ambition, voire beaucoup de lucidité. L'action est située en février 1945, dans les mois qui ont suivi la libération de Paris. Difficile de se dire qu'à l'époque, certains voyaient déjà le présent comme une difficile cohabitation et non plus comme une joyeuse victoire : on est tout de même bien loin de la réconciliation nationale... Et l'ambiance de Paris, aussi, bien sûr : ses rues sombres, ses pavés mouillés, ses voies ferrées enfumées, et cette nuit qui semble éternelle. L'image finale montrant Yves montant les escaliers du métro reste d'une beauté glaciale et saisissante.

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le 4 avr. 2017

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Morrinson

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