Parfois, on ne se l'explique pas facilement, mais quand on voit un film inconnu avec une jaquette interchangeable aux allures de western avec James Stewart on prend le film en tremblant d'excitation on le rapporte précieusement chez soi et on attend sagement de pouvoir s'offrir une petite projo avec Pruneau pour profiter d'un spectacle que l'on imagine forcément délicieux...
Et parfois on tombe sur Shenandoah, un titre idiot à partir d'une rivière de Virginie qui doit être citée deux fois et qui désigne donc le coin où Jimmy et sa tripotée de bambins cultive son maïs et son tabac en attendant que la guerre de sécession se passe... En français, ça s'appelle Les Prairies de l'honneur et c'est encore plus gênant il n'y a pas de prairies et il n'est nullement question d'honneur... Tout est décidément bancal ici, jusqu'au résumé au dos du film visiblement pondu par un stagiaire qui a sciemment omis de regarder l'oeuvre dont il parle...
Alors, c'est une histoire qui ne démarre jamais vraiment, ou comment faire un film sur une famille pacifiste au beau milieu de la guerre civile en plein conflit vietnamien en oubliant une trame construite et en basculant inutilement en dehors du ton général quand l'envie leur prend... Il y a six gamins indifférents et une gamine, plus une Katharine Ross en bru et un ignoble Doug McClure en gendre rougeaud avec des testicules comme des melons. Le plus petit c'est le gosse Du silence et des ombres, toute ressemblance avec Jeremy Renner ne peut venir que d'un esprit malade et dévoré par l'ennui qui cherche désespérément une occupation pendant la séance... D'ailleurs c'est pratique l'ennui, on découvre des trucs, on se demande si ce sont des porte-manteaux au fond de l'Eglise on fait un mini-débat sur l'armement de l'époque, on discute le bout de gras à propos de la persistance olfactive de certains aliments dans les urines du lendemain, mentions spéciales aux asperges, à la dinde et à la soupe de céleri... Pendant ce temps-là, Jimmy a de bons principes mais les applique mal, par exemple, il est moins bigot que ses congénères mais il va à l'office tous les dimanches quand même, il refuse de participer à la guerre mais il va quand même multiplier les actions stupides vis à vis de celle-ci aux dépends de sa famille qu'il essaie de protéger pourtant par-dessus tout...
Tout ça c'est à cause du petit dernier, comme d'hab, passer la première heure habillé en gris avec une casquette sudiste ramassée dans la rivière quand on se veut neutre au milieu de la débâcle confédérée, c'est ballot, faut pas s'étonner si on se retrouve prisonnier de l'Union du coup...
Alors là, Jimmy part engueuler des responsables des deux camps pendant le reste du film, il a de la chance, tout le monde est bien gentil avec lui, même un improbable George Kennedy jeune et barbu qui repose quand même de la tribu de mollusques luisants en terme de présence à l'écran...
Tout est mou sans être désagréable pour autant, Jimmy et sa moumoute sont très, très fatigués, il y a comme les prémisses des scalawags et des carpetbaggers qui se jetteront sur le territoire après la défaite, il y a une ferme, on monte des palissades, on joue avec le puits, Jimmy roule lui-même ses cigares avec la production locale, l'ensemble est techniquement supportable et se laisse presque voir... Par contre vous pouvez éviter sans remords, ce serait plus prudent...