L'humanité*
(*L’humanité au double sens du terme, comme dans le film de Bruno Dumont : l’ensemble des êtres humains, des bipèdes ; et aussi la compréhension, la compassion envers les humains. Mais à entendre,...
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le 3 févr. 2016
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Au crépuscule de la civilisation ou peut être à l'aube de l'humanité, "Les premiers, les derniers" brouille volontairement les repères temporels, se dresse à la lisière des genres, entre western pré-apocalyptique dans une lande désertique de fin du monde, qui semblent s'étendre pourtant à l'infini, immensité envoûtante dans laquelle survivent les derniers hommes et quelques femmes un peu désabusés, et fable post-apocalyptique allégorique d'une renaissance de l'humanité, lorsqu'un peu plus loin ou dans un autre monde, Esther et Willy, qui pourraient bien être les premiers des hommes, rencontrent Jésus, "le vrai ," (lui demande Willy), "oui" répond l'homme.
"Nous serions les derniers de la race humaine si la fin du monde était réelle, mais en étant les derniers on est pas très différents des premiers, et ce couple en cavale c'est un peu le fantasme que j'ai des premiers hommes , c'est à dire qu'ils ont une espèce de pureté absolue a un peu plus loin post-apocalyptique renouveau de l'humanité "*
Ces fugitifs apeurés ont malencontreusement emporté en butin d'un menu larcin, un pistolet (la main de Jésus portera les stigmates d'un coup de feu tiré avec l'arme- évidemement-) , mais surtout un téléphone portable contenant des données compromettantes que Gilou et Cochise (Lanners et Dupontel), chasseurs de prime vieillissants sont chargés de ramener à son propriétaire.
Le téléphone perdu, symbole autrefois de la "dé civilisation", dernier vestige de l'humanité et dernier symbole de lutte à mort entre les hommes, dans ce monde finissant, œuvre comme lien symbolique entre les derniers et les premiers et comme réponse à la question fondamentale lorsqu'il révèle la présence encore d'un réseau téléphonique. L'existence de deux mondes parallèles n'est donc qu'un fantasme de spectateur ou alors une proposition induite habilement par Lanners, lé téléphone deviendrait alors le lien entre les deux univers.
Evidemment, le récit suscite les interrogations convoque l'interprétation, mais le message se veut beaucoup plus simple. A travers la quête du cellulaire (fil d'Ariane avant tout destiné à donner corps à l'intrigue), le cinéaste livre une ode à l'humanité ou tout o au moins à ce qu'il reste d'humanité en chacun de nous, dans un époque empreinte d'incertitude ou l'avenir s'écrit en pointillé et en points d'interrogations. L'homme souhaitait donner de la cohérence à son propos, puisqu'il lui était reproché lors de ses précédents essais une tendance à l'abstraction, souhaitait également marquer son oeuvre de son expérience de sa philosophie. Gilou, malade, c'est un peu lui, Cochise l'ami rêvé et surtout Esther Willy, et même Clara (rencontre de Cochise) chantres de l'innocence ou de la sensibilité deviennent les piliers vertueux sur lequel le monde nouveau devra se (re) construire.
Certes, "Les premiers les derniers" revêt parfois des habits crasseux, presque "Millériens" (de George évidement), et verse parfois dans l'anxiogène (le choix des plats et vides paysages de la Beauce est d'une opportunité remarquable à cet égard), mais le film selon le souhait de son auteur va vers la lumière (le contraste entre l'éclairage feutré du début et l'intensité lumineuse qui se développe peu à peu est saisissant), et c'est l'être humain qui éclaire le propos.
*Bouli Lanners
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le 6 avr. 2025
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