De la filmographie de David CRONENBERG il est aisé de distinguer deux chapelles, la première vers laquelle va nettement ma préférence regroupe tous ses films auxquels on attribue volontiers le qualificatif de "body horror", un cinéma organique, terriblement sensoriel et qui l'a fait connaitre et disons le rendu culte, on y trouvera Scanners (1981), Vidéodrome (1983), La Mouche (1986) ou encore Les Crimes du futur (2021) entre autres, la seconde catégorie qui se distingue dans la filmographie de ce cinéaste regroupe ses films aux approches et thématiques plus classiques, qui loin d'être mauvaise, ne m'apparait pas comme aussi passionnante et excitante, un cinéma plus sage.


Les promesses de l'ombre rentre indubitablement dans cette chapelle et tout comme j'avais pu dire à propos de A History of Violence (2004) que si de nombreux réalisateurs sont capables de créer de tels films avec brio, des cinéastes aptes à proposer un cinéma aussi identifiable et particulier que David Cronenberg sont plus rares et que forcément mon ressenti vis à vis d'un tel film fait par ce dernier me le rendait moins intéressant, presque anecdotique. Hélas j'ai le même sentiment en ce qui concerne celui-ci.


Cronenberg étant un immense réalisateur, un maître de la mise en scène absolu, qu'il sait s'entourer de techniciens de grande valeur, il n'y a pas grand chose à critiquer sur le plan formel, la photographie est soignée, les plans sont admirables, les placements et mouvements de caméras millimétrés, vous rajoutez à cela des acteurs investis et alors le film en devient presque de façon logique un bon film, mais c'est bien là mon souci c'est juste un bon film et plusieurs limites, voire défauts lui bloquent selon moi l'accès à être un immense film.


Il y a d'abord le développement des personnages, notamment des seconds rôles, qui manquent d'épaisseur, qui sont pour certains uniquement des personnages fonctions mais même les trois principaux rôles manquent cruellement de textures pour qu'on s'y attache, ou qu'on les rejette, bref pour que ce qui leur arrive réveille en nous un début d'empathie, d'inquiétude ou un sentiment quelconque.


Mais pour moi là où le film se rate complètement c'est dans sa narration et le développement de son thème. C'est donc l'histoire d'une sage-femme qui se retrouve en possession du journal intime écrit en russe, d'une jeune femme morte en couches dans son service et qui va se retrouver confronter à un parrain de la mafia russe qui découvrant le contenu du dit journal préfère le voir détruit et avec lui tous ceux qui auraient pu en avoir connaissance. Il y avait là quand même matière à créer de la tension, du suspens, or rien, à aucun moment je n'ai ressenti une forme de danger imminent, ci et là quelques élans de violences pour nous rappeler à qui on a à faire, mais au contraire des invraisemblances à la limite du grotesque, comme si le scénario trop timide prenait le pas sur l'ensemble. Un exemple ? L'oncle de la sage-femme qui se retrouve malgré lui impliqué et dont on nous dit, alors qu'on le pensait éliminé, qu'en fait il est posé tranquille dans un palace en Ecosse. La réputation de la mafia russe en prend un sacré coup, si pour lui échapper à Londres il suffit de prendre le premier train pour l'Ecosse et prendre une suite dans un 5 étoiles.

Pourtant avec David Cronenberg aux manettes cela aurait été l'occasion de scènes ultra graphiques, poisseuses, des scènes qui auraient renouées avec son cinéma organique mentionné au début, mais non, le film est petit bras sur tout. La traite humaine et la prostitution de très jeunes femmes est le cœur de l'activité criminelle de ce clan ? On nous le suggère uniquement en hors-champ, retirant là encore au spectateur toute la capacité à bien appréhender la violence et l'horreur.


Mais là où e film a achevé de me décevoir c'est sa résolution !


Donc le chauffeur du clan mafieux, dont on nous parle dans le synopsis, et qui hésite toujours selon le synopsis entre ses sentiments naissant pour cette jeune femme innocente et étrangère à son monde et sa fidélité envers sa "famille" est en fait un agent infiltré !!! Qui par l'aide d'un personnage sorti d'on ne sait où, un quasi "deus machina" qui souligne d'après moi le principal problème de ce film son écriture et peut-être son montage qui ne parvient pas à sauver les lacunes béantes du scénario et pire en rajoute avec notamment deux ou trois ellipses assez problématiques.


Ma notation reflète les qualités formelles de ce film qui est bien filmé, bien joué, bien éclairé mais absolument pas le reste et c'est pour moi assez triste de devoir être aussi négatif vis à vis d'un film de David Cronenberg.

Créée

le 3 janv. 2023

Critique lue 12 fois

Critique lue 12 fois

D'autres avis sur Les Promesses de l'ombre

Les Promesses de l'ombre
Cultural_Mind
8

Le jeu des familles

Il suffit à David Cronenberg de deux scènes inaugurales pour injecter dans Les Promesses de l'ombre ce qui constituait l'essence de son chef-d'oeuvre A History of Violence, sorti deux années plus...

le 10 août 2017

39 j'aime

Les Promesses de l'ombre
Lazein
6

White russian

Sage-femme, Anna assiste la naissance d'un bébé qui échange sa vie contre celle de sa mère adolescente. Déterminée à établir l'identité de la jeune junkie défunte et trouver un lien familial pour...

le 22 nov. 2013

39 j'aime

9

Les Promesses de l'ombre
Buddy_Noone
8

L'homme illustré

Après La Promesse des ténèbres (roman de Maxime Chattam) et La Prophétie des ombres (film de... je sais plus), voici Les Promesses de l'ombre, qui n'a absolument rien à voir. Anna (Naomi Watts),...

le 6 oct. 2014

22 j'aime

8

Du même critique

As Bestas
Spectateur-Lambda
8

Critique de As Bestas par Spectateur-Lambda

Rodrigo SOROGOYEN m'avait déjà fortement impressionné avec ses deux premiers longs métrages Que Dios nos perdone (2016) et El Reino (2017) et les échos que j'ai eu du précédent sorti avant celui-ci...

le 2 mai 2023

9 j'aime

2

Elephant Man
Spectateur-Lambda
9

Critique de Elephant Man par Spectateur-Lambda

Alors que jusqu'ici David LYNCH n'avait réalisé que quelques courts métrages expérimentaux et un premier long métrage Eraserhead (1976) qui le classaient parmi l'avant garde artistique et lui...

le 3 oct. 2022

9 j'aime

5

La Mouche
Spectateur-Lambda
8

Critique de La Mouche par Spectateur-Lambda

Retrouver la société de production de Mel BROOKS au générique de ce film n'est pas si étonnant quand on se souvient que le roi de la parodie américain avait déjà produit Elephant Man (1980).Un autre...

le 3 oct. 2022

7 j'aime

4