Un éléphant, ça peut se tromper.
Tout est dit dans la genèse du film : John Huston, échaudé par l'échec de son film précédent, Le barbare et la geisha, ne voulait pas tourner ce scénario jugé "médiocre", mais il voulait se changer les idées. Peine perdue, puisque le réalisateur (ainsi que l'équipe) détestera son propre film, qui fut surtout un cadeau de Darryl Zanuck (le producteur) à Juliette Greco, sa compagne de l'époque, pour qu'elle ait un rôle principal dans un film Hollywoodien.
Les racines du ciel fait partie de ces films où le tournage en lui-même fut plus intéressant que le résultat à l'écran. Entre des acteurs ivres morts (Errol Flynn buvait du matin au soir et ça se voit dans le film), des chaleurs extrêmes (50 degrés au Tchad), l'alcool qui remplaçait l'eau contaminée, et des gens qui tombaient malades comme des mouches, on se dit que ça a du être agité en coulisses.
Mais il en résulte un résultat incroyablement paresseux, avec justement des acteurs en roue libre (j'y reviendrais), une caricature de l'Afrique, et une action très très lente pour ce qui concerne le combat contre la chasse aux éléphants (les racines du ciel en question). L'action est au fond peu présente, car il s'agit surtout de joutes verbales, mais alors sans le moindre intérêt.
J'adore Errol Flynn pour sa figure héroïque, mais là, le voir bouffi, chancelant, et assumant sans détour son alcoolisme ... en jouant un personnage ivre, c'est vraiment triste de voir ce que cet homme était devenu. Ce fut son avant-dernier film au cinéma, avant qu'il ne décède subitement. D'ailleurs, contrairement à ce que l'affiche prétend, il n'est que le second rôle de l'histoire, les héros étant plutôt Juliette Gréco (au faux look d'Elisabeth Taylor) et Trevor Howard (qui rougit comme une écrevisse à cause de sa peau sensible à la chaleur).
On voit aussi Orson Welles pour une courte présence, mais dont le fait d'armes sera ... de faire tirer dans les fesses et de s'asseoir sur une bouée !
On sait bien que John Huston est un immense réalisateur. Mais comme tout le monde, il a pu se tromper, et Les racines du ciel est une immense déception, ouvertement massacré. Le film est (co)scénarisé par Romain Gary, qui fut aussi l'auteur du roman éponyme (Prix Goncourt). Ça en dit long sur le talent pour massacrer soi-même son œuvre...