Quand on parle de fantastique et d'horreur à la française, on évoque souvent la french frayeur des 2000's, Christophe Gans ou Georges Franju, mais les amateurs de bis français vous citeront volontiers Jean Rollin. Figure souvent méprisée à une époque, voire encore maintenant (sa non-citation aux César 2011 au moment de l'hommage aux morts a fait grincé des dents), Rollin a tout de même un statut culte alimenté par des amateurs de nanars, mais aussi par de véritables passionnés prêts à défendre son œuvre envers et contre tous.
La preuve avec Les raisins de la mort qui est certainement son film le plus connu. A l'époque, le réalisateur enchaîne les films x suite à l'échec de Lèvres de sang (1975). Les producteurs Jean-Marc Ghanassia et Claude Guedj viennent le chercher pour faire un film dans la mouvance de La nuit des morts-vivants (George A Romero, 1968). Curieusement, Rollin n'aime pas trop le zombie à la Romero et plus amusant encore, il va plus dans le sens de sa Nuit des fous vivants (Romero, 1973) avec ce produit toxique présent dans l'eau et rendant les gens dangereux.
Ici c'est un peu la même chose, mais avec des pesticides et l'un des mets favoris du Français : le vin. Cet aspect du scénario est d'ailleurs son point fort, car il peut être considéré comme visionnaire. Car parler des pesticides dans les 70's était un peu moins évident qu'aujourd'hui et le film s'avère convaincant sur le sujet. On y croit et c'est ce qu'on peut attendre d'un tel concept. D'autant que Rollin s'en amuse en montrant que certaines femmes sont moins impactées physiquement par le virus, à l'image de Brigitte Lahaie qui donne de sa personne (quitte à prendre un sacré coup de froid, les conditions météorologiques étant glaciales).
Autant dire que le film est sans pitié envers les femmes, les hommes contaminés les liquidant à coup de fourche quand ce ne sont pas des décapitations. Une scène assez crue, cruelle (on parle du meurtre d'une aveugle) et détonante dans un film qui reste tout de même soft dans l'ensemble. Disons que même pour l'époque, les italiens Lucio Fulci et Dario Argento étaient plus radicaux. L'interdiction aux moins de 18 ans semble plus due à son époque et s'avère désormais peu envisageable. Soulignons que la plupart des maquillages sont plutôt réussis avec une dégradation progressive de la peau, sous forme de pustules et autres joyeusetés.
Les soucis des Raisins de la mort sont en revanche divers. La postsynchronisation laisse souvent à désirer, le jeu varie également d'un acteur à l'autre. Il peut autant se passer beaucoup de choses que rien du tout, rendant le rythme du film un peu particulier. On voit que le budget n'est pas toujours au rendez-vous avec ces explosions où on ne voit généralement pas les victimes ou alors sous forme de cadavres bien après l'action. Pourtant pas faute d'en montrer pas mal une fois l'héroïne en compagnie du duo de gars fort sympathiques.
Mais tout cela n'empêche pas Les raisins de la mort d'être un film franchement sympathique et en soi tout à fait recommandable. Le film peut être vu comme un des premiers films d'infestés du cinéma, ce qui lui donne un statut d'œuvre importante. Il permettra également à Brigitte Lahaie de s'orienter progressivement vers le cinéma traditionnel (parfois devant la caméra de Rollin), d'autant plus qu'elle s'avère plutôt convaincante en amatrice de feu de camp. Marie-Georges Pascal ne s'en sort pas trop mal non plus, semblant croire le plus possible en son personnage. Rôle qui offre une fin surprenante à un film d'horreur plein de surprises.